L’armée, une histoire à voir

Dans une de ces sentences mémorables dont il aimait faire usage, résumant ainsi en quelques mots tout ce qu’elle représente dans un pays, Napoléon disait que l’armée c’est la nation. Pour reprendre une image plus récente et qui en est le complément direct, c’est également une identité qui a comme fonction première de défendre l’autre notion fondamentale qu’est la patrie.
De ce fait cette identité se trouve confrontée au risque de la guerre et l’histoire au long des siècles montre que guerre et armée constituent une équation toujours redoutée, jamais résolue, et partout à travers le monde, renaissante ici, à peine achevée là.

Mais au-delà des concepts et des constats, une armée existe d’abord par et pour ses soldats. Avec eux, des commencements des combats jusqu’à la victoire finale, se forme et s’entretient l’immense et fondamentale chaîne qui donne à chaque armée force et puissance, ordre et succès, visibilité et rayonnement. Interviennent alors les armes, les uniformes, les grades, les décorations, les emblèmes, ce qu’on regroupe souvent sous le nom de militaria, sans omettre ces témoignages qui ne sont pas qu’artistiques et culturels, mais sont le reflet d’un esprit et d’une volonté d’authentifier les faits ou d’en interpréter la portée, sans cesse évoluant selon les époques, les tableaux, les photographies, les ouvrages, les archives.

 

Les collections rassemblées aux Invalides représentent précisément ce patrimoine propre à la nation, réunis depuis les âges les plus reculés jusqu’aux temps les plus modernes, passant par ces grandes et glorieuses périodes des armures parfois gravées, des conquêtes de Louis XIV avec Turenne, de l’Empire et ses aigles aux ailes éployées, des trophées pris à l’ennemi exposés en 1915 dans la cour d’honneur des Invalides, des conflits contemporains exigeant des vêtements spéciaux de protection. Dans le même parcours se placent les pièces et les objets souvent très remarquables venus des théâtres d’opérations extérieurs, par exemple du Maroc, d’Indochine ou du Japon.

 

Depuis 100 ans, le musée de l’Armée, créé en 1905, magnifiquement rénové entre 1990-2010 dans le cadre du projet ATHENA et servant ainsi de référence pour de nombreux autres musées dans le monde, a constamment enrichi ses collections.
Dons, acquisitions, legs, préemptions, restitutions et récupérations, ont notamment permis d’accroître dans de nouveaux domaines le fonds déjà considérable en sa possession. Parmi ces collections remises au musée, certaines sont exceptionnelles comme celle d’Édouard Detaille, peintre réputé pour ses scènes militaires, de Joseph Émile Vanson qui légua vingt-cinq mille dessins, estampes et photographies, du maréchal Franchet d’Espèrey ou encore de Guillaume d’Ornano.  

Cet ouvrage qui accompagne l’exposition qui s’est ouverte aux Invalides reprend dans ses différents chapitres de nombreux points essentiels concernant ce patrimoine et sa protection. La restauration est partie intégrante de la valorisation de ces œuvres, comme celle qui a été effectuée, de façon particulièrement minutieuse, pour l’habit et le manteau de cérémonie du maréchal Ney que Victor Hugo surnomma le lion rouge.
Outre les œuvres d’artistes reconnus comme Vallotton (1865-1925) qui exécuta un tableau d’une rare intensité visuelle représentant un champ de bataille en proie au déluge, intitulé Verdun, et ayant pour sous-titre, suivant les indications mêmes de son auteur Tableau de guerre interprété, projections colorées noires, bleues et rouges, terrains dévastés, nuées de gaz, le visiteur peut aussi voir le vélo de liaison d’une agente de la Résistance de la marque Génial Lucifer, construit par les associés Mestre et Blatgé qui avaient un magasin situé….avenue de la Grande Armée, comment mieux dire ! 

Dominique Vergnon

François Lagrange, Sylvie Leduc et Christophe Pommier (Sous la direction de), Toute une histoire, les collections du musée de l’Armée, 195x255 mm, 197 illustrations, Gallimard-musée de l’Armée, mai 2022, 256 p.-, 32€

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