Barthélémy Toguo primitif du futur

Plus qu’un autre Barthélémy Toguo s’élève donc en faux contre l’idée ridicule que l’art copie le réel. Ses recherches philologiques et iconographiques aux aubes de l’humanité comme au sein de sa propre culture le prouvent. Pour le créateur la réalité copie l’art. C’est vieux comme le monde.
Toguo montre comment nos ancêtres les plus divers ont construit leur perception du réel. Il les suit en ses recompositions d’éléments épars-disjoints. L’être humain y est souvent double : pile et face comme des pièces de monnaies, des personnages d’un jeu de cartes, des Janus hiératiques. Le diable parfois sourit et joue les anges. Ces derniers, parfois cloutés et crachotants, sont plus souffrants que béats.
Toguo sait aussi que les esprits ne sont pas les esprits mais les hommes. Ceux – en particulier – qui ont le pouvoir. Ils sont les criminels de l’histoire. Ils passent à côté et des êtes et de la vérité. Toute son œuvre le l’illustre : ses  murs de dessins comme ce qu’il y adjoint et emprunte entre autre à sa propre culture ancestrale et aux femmes bamiléké du Cameroun. 
Sa série de portraits photographiques Stand-up and walk !, pris sur le chantier de Bandjoun Station, est un hommage aux travailleurs menant une double vie pour assurer leur survie. Amené à cacher son visage, l’ouvrier qui change d’identité fuit avec ses bagages, se dissimule pour franchir la ligne, la frontière.. 
Ce livre collectif prouve combien Toguo garde les pieds sur terre pour analyser par exemple à travers ses tampons sculptés, ses barques, ses valises de bois, etc. ce qui fait l’Afrique. Il lui restitue la parole à travers divers types de citations. Rassemblant graphismes et icônes l’œuvre pose le problème du croire et du voir face au destin du continent dit noir.

Jean-Paul Gavard-Perret

Collectif, Désir d'humanité. Les univers de Barthélémy Toguo, Gallimard & Musée du Quai Branly Jacques Chirac, 2021, 60 p.-, 24€

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