Joshua Cohen : les épingles et le jeu

Comme tout grand écrivain Joshua Cohen s'est construit en prenant les contrepoints de ses grands aînés : Roth, Bellow (Singer est épargné). Il leur porte une estime morte en soulignant les stéréotypes qu'ils ont véhiculés et qui ont instauré selon lui la littérature juive américaine fondée sur l'idée de la réussite.

Cohen se veut plus rebelle, moins porté sur la victoire sociale que sur la révolte. Il estime en parallèle qu'il est impossible de dézinguer une monde sans en connaître la tradition (religieuse, littéraire, sociale). Bref son contentement est toujours subjectif.

Son héros est a son image. Il a fréquenté l'école rabbinique mais refuse toute obéissance littérale à la Loi. Et dans un mélange de langue l'auteur crée un personnage étourdi par tout ce qu'il a vécu et va vivre. Tout juste sorti de l'armée israélienne et embauché au noir par un parent américain il rentre dans une entreprise de déménagements aussi douteuse que l'est son anglo-américain.

Les employés à l'occasion deviennent pilleurs des biens des propriétaires expulsés. Et l'auteur n'est jamais tendre avec les frères et les sœurs qui entourent son héros. Toute idéologie ou philosophie existentielle s'incarne ici non par des idées mais des actes. Il s'agit finalement de se débrouiller avec d'où l'on vient et qui l'on devient. Le hiatus est important quand le corps de la pensée se transforme en pensée corps. Et il arrive que ça saigne dans un tel palimpseste de civilisation.
Ou ce qui en tient lieu.

Jean-Paul Gavard-Perret.

Joshua Cohen, David King s'occupe de tout, traduit de l'anglais (U.S.A.) par Stéphane Vanderhaeghen, Grasset, août 2019, 336 p.-, 20.90 €

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