Les plus grands farfelus français, réunis par Hubert Delobette

Qu'est-ce qu'un farfelu ? celui qui extravague hors des sentiers battus et fait son destin en créant sa propre réalité, qu'elle soit sincère ou de fanfaronnade, que cet appel vers l'altérité réponde à une exigence propre ou à un simple jeu. Une étymologie savante en dirait beaucoup plus (1), mais les vingt cinq farfelus réunis dans ce petit régal de livre sont encore mieux : une illustration par l'exemple des plus truculents d'entre eux.

Avec un style qui est lui-même source de plaisir par l'humour qu'il emploie, Hubert Delobette nous convie à la rencontre de gens différents, certains très célèbres comme le Facteur Cheval ou Alfred Jarry, d'autres presque inconnus comme Henri Mondeux ou Auguste de Galliffet, mais tous avec cette particularité d'avoir fait le choix d'évoluer dans leur propre rêve plutôt que de se cantonner au réel. Onirique, le pétomane Joseph Pujol qui peut interpréter la Marseillaise avec son trou de balle ? Onirique, Clémentine Delait, cafetière hommasse et barbue ? pas sûr, mais l'acceptation, voire la mise en scène de leur particularité en font des phénomènes à part entière.

Il y en a pour tous les goûts, de toutes les couleurs. Des poétiques comme Rémy Bricka, l'homme orchestre en blanc avec ses colombes qui jouait de 25 instruments et incarnait une contre-culture en pleine génération électrique, des politiques comme Popaul, le roi spirituel du globe terrestre ou Antoine de Tounens qui se fit roi de Patagonie, des sportifs comme Sylvain Dormon qui fit plus de 3000 km juché sur des échasses à 1,20 mètre du sol, ou des mystiques comme Jean Journet qui se prenait pour un apôtre, un vrai ! Autant de portraits, autant de sujets d'étonnement, et autant de vies en marges et faites pour illustrer la diversité de la loufoquerie.
 
On apprécie surtout, disons-le, les portraits des doux dingues qui ont vécu à fond leur dérision et la mise en cause de la société qu'ils ridiculisent par leur propre personne. Ces étranges personnages qui focalisent sur eux l'attention et sont autant de révélateurs des travers du réel « normal ». Ferdinand Lop, qui précisait « Je suis loin, même fort loin, d'être un fantaisiste »,  a fait trembler De Gaulle en 1963, comme Coluche fera trembler la gauche pluriel de Mitterrand plus tard, se présentait aux élections législatives ou présidentielles avec un programme digne des plus sages, dont voici un bref aperçu :

- aménager des trottoirs roulants pour faciliter le labeur des péripatéticiennes
- construire sur la Seine un pont de 300 mètres de large pour abriter tous les clochards
- installer un toboggan place de la Sorbonne pour le délassement des troupes estudiantines
- installer Paris à la campagne pour que les habitants profitent de l'air pur

Mais le « maître » qui régnait sur le Quartier Latin préférait encore « attendre d'être au gouvernement pour le [son programme] révéler »...

Un très agréable promenade en folie douce à prescrire par temps de crise !


Loïc Di Stefano

(1) A noter l'excellent travail du Dictionnaire International des Termes Littéraires. 


Hubert Delobette, Les grands farfelus français, Le papillon rouge; 260 pages, 19,90 euros
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