Dictionnaire de la contre-Révolution

La loi du vainqueur ?

L’unanimisme du jugement sur la Révolution Française est un des fondements de notre société, il n’est pas de jour sans que l’on entende parler de « valeurs républicaines », d’autant plus intangibles qu’elles restent dans le brouillard du discours politique. « C’est un tout » disait à peu près Clémenceau de notre révolution, un tout auquel on dit « non » ou « oui ». Le « oui » s’est imposé dans toute l’Europe, pour le moins. Le vaincu est réduit au silence, partout la contre-révolution est escamotée ou discréditée. Rousseau est honoré en Savoie, et depuis 1913 personne ne lui a scié les pieds à Chambéry, mais qui connaît encore De Maistre ? La Vendée et son martyre ne sont pas pris en considération dans les programmes scolaires ; insister sur cette question vaut à son auteur l’ostracisme réservé aux gens qui sentent le soufre, aux fantaisistes dérisoires, comme Reynald Seycher…  

Au-delà du « Pour Dieu et pour le roi », les Vendéens se lèvent contre des gens qui veulent détruire les solidarités coutumières qui les protègent, contre des bourgeois qui leur disent « Donne-moi ta montre, je te donnerai l’heure ». Qui se souvient  des descendants de Charette ou de Cathelineau qui luttent pour sauvegarder l’intégrité pontificale face à la volonté de l’Italie de prendre Rome pour en faire sa capitale en 1870, épisode surnommé la « Huitième Croisade » ? Les tentatives pour apaiser la guerre civile larvée entre deux France n’ont pas souvent été comprises ou admises… La réhabilitation de Pétain par Mitterrand, par exemple, a jeté un grand froid, qui n’a pas dépassé la bouderie du prince face au silence gêné ou à l’hostilité. Le dictionnaire de la contre-révolution  édité sous la direction de Jean-Clément Martin, professeur émérite à la Sorbonne Paris I, vient opportunément combler ce grand vide, dans la mesure où il établit un lien entre des résistances traditionnelles, le plus souvent désespérées, face à un ordre du monde libéral et individualiste qu’elles rejettent.  

Un bon début

Dans toute œuvre qui entreprend d’ensemencer un désert, on a des déceptions et des surprises. Certains articles manquent de références, par exemple celui sur le cinéma, il n’y a pas un mot sur le film Chouans,  assez étonnant,  de Philippe de Broca (1988) où le héros républicain  (Lambert Wilson) fait froid dans le dos, sans que, en miroir, les chouans soient entièrement présentés comme des brutes arriérées  dans la littérature hugolienne.  Il y a des oublis surprenants : Où est Andreas Hofer, le chouan du Tyrol ?  Pas d’entrée non plus sur les 3000 hommes de la brigade Jeanne d’Arc, ou les 700 volontaires de la Légion Saint-Patrick irlandaise,  engagés  auprès de Franco pendant la guerre civile espagnole ! Et rien sur « Dixie » quand on rencontre Villebois-Mareuil parti défendre les Boers d’Afrique du Sud contre un impérialisme anglo-saxon employant les mêmes justifications, pour masquer ( ?) l’incompatibilité entre la tradition et le monde nouveau. Il y a de l’incongru, un article sur la Chine… En revanche, de ce côté-ci des montagnes, il est utile de ranimer le souvenir des Carlistes espagnols  ou des Miguélistes portugais… 

Bref, voici un ouvrage indispensable et précieux,  malgré ses imperfections et ses approximations (pas de citation référencée, dans l’article sur Rivarol, par exemple, c’est irritant de chercher dans le vaste journal de la révolution dudit chevalier). On se jettera sur une seconde édition augmentée… Ce dictionnaire permet de renouer avec le fil d’une histoire dans l’ombre, de redécouvrir un système de pensée alternatif et vivace en dépit du silence.

Didier Paineau 

Dictionnaire de la contre-Révolution, sous la direction de Jean-Clément Martin, Perrin, octobre 2011, 551 pages, 27 euros
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