On va le dire comme ça, dictionnaire des expressions quotidiennes

Deux aimables et non moins éminents lexicographes sont partis en quêtes des expressions plus ou moins imagées qui émaillent notre langage quotidien. Ils nous livrent un fort volume, bien attrayant sous tous rapports, mais pas sans fautes, malheureusement


La tâche est rude : recueillir dans le parler ce qui fait expression populaire. Ou figer dans un ouvrage sérieux les travers illustrées d'une langue par ailleurs tout à fait engoncée et heureuse dans ses règles et ses codes. Si la tentative a déjà été faite pour tout ce qui est promu comme langue malgré l'absence de toute grammaire (celle des cités, par exemple), ou comme vaste champ lexical commun, il faut attendre le travail de gens plus sérieux pour titiller le parler courant et voir comment il s'inscrit dans un mouvement identifiable et stable. Car le propos n'est pas d'illustrer par un sketch du moment mais de présenter une défense et illustration de l'expressivité française, par sa diversité et sa richesse (pas moins de 5000 exemples tout de même) tout en respectant une règle simple : tout ce qui est imagé ne fait pas forcément une expression populaire. Car il faut que le mot passe dans la langue, que ce soit pour y rester durablement ou pour simplement s'entendre quelques temps. C'est de n'avoir pas assez respecté cela qui empêche ce « dico » d'être tout à fait réussi.

Ce gros volume, plus ouvert au moment de détente (on y pioche plus qu'on y étudie...) n'est donc pas exempt de bévues. Outre la trop souvent médiocrité des exemples (empruntés par facilité de recherche peut-être aux nombreux Blog et à la Presse quotidienne, qui n'en sort pas forcément grandit quant à sa rigueur des exemples et au côté scientifique que l'ouvrage tente de se donner quand même), plusieurs définitions sont carrément fausses. Des exemples ? et bien en voilà un qui parlera aux garçons :

- « monter le chapiteau », si cela se rapporte bien à l'érection masculine, est sans rapport avec l'acte sexuel, contrairement à ce qu'en disent les auteurs, à moins que bander et copuler soient synonymes...

- Autre souci, plus sérieux celui-la parce qu'il interroge le mode même de sélection des expressions : une entrée avec un seul exemple peut-il être classé dans les expressions de la langue quotidienne plutôt que mis au crédit d'un auteur particulièrement inspiré ? « contre-voie » (pour coïtus interruptus), « sortie de route » (pour défaite), « prends la queue » (pour on me l'a déjà dit), ne me semble pas être de ces expressions quotidiennes que tout le monde peut reprendre à son compte, sans avoir besoin d'être expliquées justement parce qu'elles font parties de notre quotidien. Dilemme incontournable quand il s'agit de saisir un moment aussi furtif dans la langue que ces petites choses qui ne la constituent qu'épisodiquement.

Les défauts de cet ouvrage le classent dans l'étagère « à feuilleter pour se divertir un moment » plutôt que sur l'étagère « référence », c'est d'autant plus dommage que l'entreprise, qu'il faut tout de même saluer, était innovante.

Loïc Di Stefano 

Charles Bernet et Pierre Rézeau, On va le dire comme ça, dictionnaire des expressions quotidiennes, Balland, septembre 2008, 770 pages, 32 euros
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