"Les chasses à l’homme" de Grégoire Chamayou démontrent que l'homme peut se conduire pis que l'animal

Un certain Louis XI s’était offert le plaisir d’une chasse d’homme. C’était au XVe siècle. Mais il semble que de tout temps cette pratique ait eu lieu. Et plus scandaleux encore : elle se poursuit de nos jours ! Et surtout au sens propre. Aucune métaphore ici. Les chasses à l’homme sont monnaie courante. Il y a la chasse poursuite. Et il y a la chasse expulsion. Celle qui capture et celle qui exclue. 


"Deux opérations distinctes, mais qui peuvent s’articuler dans un rapport de complémentarité : chasser des hommes, les traquer, suppose souvent de les avoir au préalable chassés, expulsés ou exclus d’un ordre commun." 


En effet, toute chasse possède son corolaire. Une théorie de la proie. Un manuel qui stipule qui peut être chassé, et pourquoi. Pour en raconter la genèse il convient donc d’étudier les techniques de traque. Les manières dont on capture. 


Sans omettre le plaisir de l’acte. Cette perversité qui distingue si bien l’homme de l’animal qui ne chasse que pour se nourrir. Sans jamais faire souffrir pour le plaisir. Sans racisme ou visée xénophobe.


Mais comment donc l’homme peut-il se conduire pis qu’un animal ? Hannah Arendt écrivait que "l’homme ne peut être pleinement dominé qu’à condition de devenir un spécimen de l’espèce animale homme". Mais le problème, c’est que le chassé et le chasseur sont de la même espèce. La différence entre la proie et le chasseur s’inscrit dans un ordre hiérarchique et des valeurs de basse-fausse. Marquer son pouvoir par la traque et la capture démontre combien vile fut la destinée des hommes depuis des siècles les siècles.


Ce livre esquisse l’histoire changeante de la morphologie de ces monstres. Là où René Girard favorise le concept invariant de la violence dans les sociétés humaines, Grégoire Chamayou démontre ce que les grands phénomènes historiques de chasse à l’homme avaient chaque fois de spécifique dans leurs mobiles et leur fonction. Contrairement à la théorie du bouc émissaire, le choix des proies n’est pas arbitraire. Il obéit à des stratégies ciblées. Qui ne sont pas toutes liées au modèle uniforme d’une violence sacrificielle.


Or, l’étude des rapports de prédation interhumains et de leur histoire politique pose de façon centrale le problème de la protection. Comment faire en sorte que cela cesse définitivement ? 


Si le retrait de la loi fournit des proies, cela fournit aussi - a contrario - une indication essentielle sur ce que devrait être la vocation d’une communauté politique universelle. Peut-on espérer, qu’un jour, une protection collective contre les rapports de prédation interhumains voit le jour ?


Table des matières
La chasse aux bœufs bipèdes
Nemrod, ou la souveraineté cynégétique
Brebis galeuses et hommes loups
La chasse aux Indiens
La chasse aux peaux noires
La dialectique du chasseur et du chassé
La chasse aux pauvres
Les chasses policières
La meute de chasse et le lynchage
La chasse aux étrangers
Les chasses aux Juifs
La chasse aux hommes illégaux
Conclusion


Annabelle Hautecontre


Grégoire Chamayou, Les Chasses à l’homme, La fabrique, mars 2010, 246 p. - 13,00 €    

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