Isabel Pisano est au plus près avec "Yasser Arafat, intime - La passion de la Palestine"

Que se passe-t-il quand, après avoir couvert les conflits du Liban, de Palestine, du Tchad, d’Iraq et de Bosnie (pour la RAI, Canal5 ou El Mundo) et avoir interviewé les plus grands de la planète, l’on croise, un soir de 1990, le regard de Yasser Arafat ? Quand on est une femme aguerrie, une professionnelle pétrie d’idéalisme et de justice, on se dit que l’on tient là son plus gros scoop. Mais une fois en présence du Vieux plus rien n’est pareil... 

Le charme agit. Car Yasser Arafat en avait à revendre, malgré son physique peu avenant... Et Isabel Pisano s’est laissée prendre dans les griffes d’Abou Ammar. Un sentiment confus tout d’abord. Qui s’est, petit à petit, transformé, nourri de patience - et malgré les humiliations de son entourage - pour apparaître comme un amour réel. Une passion impossible puisque la raison lui fit épouser Souha (qui ira le trahir, plus tard)... Et pourtant.


C’est cette vision de l’intérieur qu’Isabel Pisano nous propose dans ce livre étonnant. Pudique mais sincère, elle ne cache rien de leur jeu de cache-cache. Elle nous permet de suivre au plus près les dernières années du chef de l’OLP pris dans des négociations surréalistes... Lui qui ne dormait jamais deux fois au même endroit. Lorsqu’il dormait. Qui gérait la lutte armée. Les conflits interne. Le gouvernement en exil. Les relations internationales. Les alliances. Les luttes de clan. Etc. Etc. Omniprésent. Omnipotent. Présent. Peut-être trop présent, justement. Mais on ne mène pas une guerre de libération et d’autodétermination comme on conduit un pays en temps de paix...


Cet accès privilégié n’aura jamais perturbé le travail d’Isabel Pisano qui fut couronnée par ses pairs "meilleure journaliste de l’année 2002". Elle aura toujours su faire la part des choses et ne jamais oublier qu’elle était avant tout une journaliste, ainsi elle rapporta ce qu’elle savait, et ses nombreux entretiens avec l’entourage d’Arafat lui permirent de donner une version intime et certainement plus juste de ce que fut sa vie et son combat pour l’autodétermination de la Palestine. Combat qu’il perdit, probablement empoisonné par les services israéliens, comme elle nous le montre avec force détails qui ne laissent que très peu de place au doute... 


Mais avant, on suivra la petite enfance d’Arafat, son ascension sociale et politique puis l’assassina d’Abou Jihad - son bras droit, son ami, son frère - dans sa maison de Tunis, le miracle libyen du 7 avril 1992 (le crash de l’Antonov transportant Arafat), Septembre noir et sa visite au Pape, son don du sang pour les victimes du 11-Septembre et ses enfants adoptés, rescapés des massacres de Sabra et Chatila...


On aurait sans doute aimé ne pas voir le nom de Tariq Ramadan associé à cette biographie tant son discours porte à équivoque, selon qu’il publie des textes intégristes chez un petit éditeur lyonnais ou qu’il soit sous les feux de la rampe pour se draper d’un manteau de modéré...


Nonobstant, ce livre est mieux qu’une biographie. Associant les passages contemporains au passé du raïs, il y associe le témoignage d’un proche. Et c’est bien souvent dans la petite histoire que se lit la grande. Arafat, comme tout le monde, avait sa cour, ses fidèles et ses coquins... que l’on retrouve actuellement à marcher main dans la main avec les israéliens. Après on se demande pourquoi le Hamas remporte les élections. Le peuple palestinien n’est pas plus idiot qu’un autre. Quand la corruption de ce qui reste du Fatah gangrène tous les secteurs de la société civile, les gens se tournent ailleurs... 

Arafat reviens !


Annabelle Hautecontre


Isabel Pisano, Yasser Arafat, intime - La passion de la Palestine, traduit de l’espagnol par Gisela Bulwa, préface de Tariq Ramadan, Demi Lune éditions & Timéli,  "Résistances", octobre 2009, 414 p. - 20,00 €    

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