La Lotharingie, un territoire et ses arts

Long et relativement étroit, de la mer du Nord et des rives de la Meuse jusqu’au nord de l’Italie s’étendait le regnum Lotharii, le royaume de Lotharingie. Autrement dit, le territoire qui est revenu à Lothaire II. Avec la Francia Orientalis et la Francia Occidentalis, la Lotharingie, qui avait été précédée par ce qui fut l’Austrasie, est une des trois régions résultant du partage de l’empire de Charlemagne lors du traité de Verdun en 843. Ce traité avait été signé au lendemain de la mort de Louis dit le Pieux, fils de l’empereur. Des noms bien oubliés maintenant.
Il s’agit pourtant d’un espace fondamental au plan de la construction historique européenne, une région immense géographiquement et d’une grande richesse notamment dans le domaine artistique.
Pour essayer de fixer les idées, ce territoire correspondrait à un ensemble essentiellement constitué de nos jours par les Pays-Bas, une partie de la Belgique, le duché du Luxembourg, la Rhénanie, la Sarre, la Lorraine et l’Alsace. Bien que située à une place centrale dans l’Europe d’alors, au cœur des échanges de tous ordres, la Lotharingie n’en sera pas moins convoitée par des voisins puissants qui en effaceront les contours mais pas l’héritage.

Le legs artistique qui nous reste est en effet considérable. Il faut le voir comme le témoin de ce que fut la créativité carolingienne, considérée désormais comme une véritable renaissance esthétique. Car l’art carolingien puise ses références dans l’art antique, classique et paléochrétien écrit un des auteurs de cet ouvrage. C’est dire la multiplicité des sources de sa créativité, même si dans l’art carolingien, les influences byzantines et germaniques peuvent paraître dominantes.
Sous le règne de Charlemagne, un empereur sans aucun doute plus cultivé et lettré que ce qu’on a longtemps pensé, tant les édifices les plus visibles, les monuments comme les palais, les cathédrales et les monastères que les arts parfois dits mineurs comme l’enluminure, la reliure, la mosaïque et l’orfèvrerie fleurissent et se diffusent partout. Réunis pour cette importante exposition, les quelques 125 objets religieux ou non, les documents comme les lettres ornées de sceaux les validant, les stèles et les suaires, les livres, les deniers, les céramiques, les manuscrits, les ivoires et les sculptures en présentent une sélection à la fois vaste et variée.
La très belle Croix d'Otton et Mathilde, du Xe siècle, en or, émail et pierres, est conservée au trésor de la cathédrale d'Essen. Ce beau livre accompagne l’exposition qui se tient à l’Hôtel départemental des expositions du Var. Toutes ces pièces apportent une preuve manifeste de cette florissante période et méritent d’être vus comme autant de chefs-d’œuvre représentatifs du savoir-faire et de l’inventivité des artistes de l’époque.

À côté d’Aix-la-Chapelle dont parmi les édifices majeurs se trouve la chapelle Palatine, une vaste basilique à coupole octogonale rappelant les églises de l’empire romain d’Orient, une autre ville tient une place éminente, Metz. C’est à la fois une capitale politique, économique, intellectuelle, religieuse et artistique. C’est ici que Charles le Chauve est couronné, en 869.
La créativité des artisans locaux est si riche, diverse et largement diffusée qu’au plan strictement artistique, on parler de l’école de Metz.  L’évêque Drogon en est un des acteurs principaux. C’est pour lui qu’est réalisé dans les ateliers de la ville un somptueux sacramentaire qui a conservé ses dix-huit plaques d’ivoire. Avec ses lettrines historiées, ses onciales d’or, son plat de reliure en ivoire travaillé comme un bas-relief, ce manuscrit enluminé et au style pictural vif et envolé est véritablement un trésor rare. 
Au long des pages, le lecteur peut admirer la qualité et l’intérêt historique et artistique des pièces venues de plusieurs collections et de pays différents. Certains objets ont été trouvés lors des campagnes de fouilles archéologiques. C’est le cas de la magnifique tête de la statue funéraire du roi Lothaire qui daterait de 1135-1140. Découverte en 1919, durant des fouilles effectuées dans la basilique Saint-Rémi de Reims, il s’agit d’une sculpture en pierre calcaire polychrome, chef d’œuvre de l’art roman. La tête est coiffée d’une couronne fleuronnée et sur le front, courre une fine suite de boucles ciselées. Les mèches de la barbe, échelonnées le long des joues, ajoutent un effet graphique d’une belle élégance.
La fin de la Lotharingie coïncide avec la disparition des Carolingiens, que les partages successifs et les invasions barbares ont accélérée. Sans compter les oppositions linguistiques entre les parlers roman et germanique. Avec les Capétiens, une nouvelle page d’histoire allait s’écrire.

Dominique Vergnon

 Isabelle Bardiès-Fronty (sous la direction de), Trésors du royaume de Lotharingie, l’héritage de Charlemagne, 176 illustrations, 240x300 mm, In Fine éditions d’art, juin 2023, 200 p.-, 25€

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