La femme médiévale et renaissante, du cercle familial à la sphère sociale

Renouvelant les sources historiques et révisant ainsi les nombreuses idées qui pendant longtemps ont transmis voire imposées des images limitées et faussées de la condition de la femme aux XV et XVIe siècles, ce livre accompagne l’exposition présentée au musée des Beaux-arts de Tours (jusqu'au 17 juin). S’appuyant sur plus d’une centaine d’œuvres, peintures, sculptures, gravures, manuscrits et objets, il traite de cinq thèmes majeurs qui conduisent à rétablir les notions jusqu’il y a peu prévalentes sur le rôle réel des femmes au sein de la société au long d’une période couvrant la fin du Moyen-Age et la Renaissance.
Au fil des textes rédigés par plus de quinze spécialistes de cette époque, le lecteur peut suivre l’existence de celle qui tour à tour connaît une succession de situations et de places du haut en bas de la hiérarchie sociale. D’abord passant naturellement de l’état d’épouse à celui de mère, devenant de ce fait éducatrice et responsable des transmissions et des filiations, elle évolua vers un rôle de collaboratrice complémentaire de l’homme, mieux de complice. Gagnant en indépendante, ce qui était le cas des veuves, elle se trouva chargée en propre d’activités variées dans les domaines tant économiques qu’artistiques.
Sans oublier deux aspects moins évidents voire méconnus ou occultés, celui de femme de guerre et de femme de pouvoir. Sur ce dernier point par exemple, il est intéressant de lire les réflexions que Christine de Pisan (1364-1430) célèbre philosophe et femme de lettres érudite, consigna dans Le Livre de la Cité des dames. Elle notait la qualité égale sinon supérieure de la femme à celle de l’homme en matière de jugement, de diplomatie, d’influence, d’autorité politique. Il convient de mentionner ici les noms des régentes qui ont gouverné en souveraines telles Catherine de Médicis, Louise de Savoie et Anne d’Autriche. Des enluminures, comme celle de Jean Pichore de 1503, des tapisseries et des émaux mettent en lumière les fastes de la cour entourant ces reines et ces princesses, la richesse de leurs costumes et des cérémonies les concernant.

Un autre vaste champ d’études proposé dans ces pages très documentées se trouve dans le livre d’heures qui était un support de dévotion, d’éducation et de mémoire. Circulant dans les familles, offerts en cadeaux, apportant des modèles de vie spirituelle, d’enseignement, de vertus, ces volumes en général de petite taille étaient richement décorés à l’instar des Heures de Marguerite d’Orléans dont on admire notamment la finesse et la variété colorée des motifs floraux. Ils ont contribué à participer à cette fonction de médiatrice rappelée ici.
Dès le XIIIe siècle, les femmes ont accès à tous les métiers nourriciers, elles sont expertes dans les travaux textiles, dirigent des ateliers dans les villes tandis que d’autres assurent de multiples des taches agricoles. Car selon Christine de Pisan, il n’est aucune charge trop lourde pour une femme intelligente. Hors du foyer, la femme pouvait s’impliquer avec compétence dans des secteurs habituellement réservés aux hommes, comme le commerce et la finance. Exécuté au cours du XVIe siècle par Marinus van Reymerswaele, une huile sur bois jadis attribuée aux talents du peintre Quentin Metsys, représente un banquier assis à une table couverte de pièces de monnaie, pesant au trébuchet des monnaies de valeur, ayant à ses côtés son épouse dont les mains compulsent un registre de comptes.
Il est clair que pour les femmes de la fin du Moyen-Age et de la Renaissance, le mariage représente un moment capital, en quelque sorte le passage fondamental s’accompagnant d’accords en les familles et de phases festives. Datant de 1434, un tableau sur bois universellement connu de Jan van Eyck, grand artiste de la renaissance flamande, met en scène Giovanni Arnolfini et son épouse dans un décor à la fois sobre et élégant où les symboles abondent et les caractères respectifs se manifestent avec autant d’éloquence que de retenue.

Dans cet espace domestique relativement clos, en contrepoids de l’amour et de l’affection qui règnent dans la majorité des couples, les violences et les injures ne manquent pas et constituent un véritable problème pour les autorités judiciaires. Si les actes violents sont ordinairement commis par les hommes, il n’est pas rare que les femmes apparaissent agressives, maniant avec intention et volonté l’injure verbale. Les guerrières de l’Antiquité pouvaient être aussi farouches qu’inquiétantes et l’épisode fameux de Lucrèce et Tarquin du Livre I de L’Histoire romaine de Tite-Live a inspiré bien des artistes, entre autres Titien, vers 1570.
Ce catalogue offre donc, notamment par la relecture des archives portant sur la femme dans le passé et l’étude approfondie des objets du quotidien et des images qui illustrent tous les visages que peut prendre sa vie, un nouveau regard qui ne manque pas d’évoquer par plus d’un aspect les débats d’aujourd’hui.

Dominique Vergnon     

Elsa Gomez et Aubrée David-Chapy (sous la direction de), Le Sceptre & la Quenouille, être femme entre Moyen-Age et Renaissance, 230x280 mm, 240 illustrations, In Fine éditions d’art, mars 2024, 352 p.-, 39€

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