"L'ordinateur du paradis", l'enfer n'est pas là où on le croit

D’un auteur et de son époque

 

D’ordinaire, Benoît Duteurtre livre deux types d’ouvrages: il y a ceux qui s’inscrivent dans une veine semi-autobiographique et les autres, très critiques de notre époque, à l’apparence légère et dans le fond très sévère (d’aucuns emploieraient l’adjectif « réactionnaire », plutôt galvaudé par les temps qui courent). Dans la première catégorie, on trouve L’été 76 ou A nous deux Paris et dans la seconde Le retour du général (et si de Gaulle revenait de nos jours ?) et L’ordinateur du paradis. L’intrigue du roman se déroule à la fois sur Terre et au Paradis. C’est donc à une satire que nous invite Benoît Duteurtre.

 

Paradis perdu, Terre brûlée

 

Dans le royaume des cieux, un mort découvre les normes d’hygiène et de sécurité qui définissent désormais un au-delà sous l’influence du néo-libéralisme. Sur Terre, Simon Laroche, haut fonctionnaire président de la commission des libertés publiques doit faire face à un projet de pénalisation des images pornographiques qui le met très mal à l’aise : n’est-il pas lui-même un consommateur de ce type d’images ? Invité à un show télé, il a une discussion en off avec l’animatrice, Daisy, où il lâche quelques phrases bien senties sur les féministes et les homosexuels. Elles sont bientôt diffusées sur le net et font de Simon un pestiféré, vivement critiqué par les associations féministes. Mais ce n’est rien comparé au grand dérèglement : bientôt chacun reçoit des mails sur les autres, des informations secrètes dévoilant la vie privée de tous. Simon, lui, entame une liaison avec la belle Daisy.

 

Ironie grinçante

 

Notre auteur est un déçu de la modernité et livre ici une critique de notre société et de ses travers. Tout y passe : médias, famille, féministes, gays, politiques. On sourit beaucoup (quoique avec amertume) devant certaines scènes tirées de notre présent et à peine exagérées pour les besoins de cette satire. Reste cependant une certaine frustration : on aurait aimé moins de légèreté dans le ton et plus de férocité. Notre auteur donne l’impression de ne pas être allé au bout de son histoire. C’est dommage.

 

Sylvain Bonnet

 

Benoît Duteurtre, L’ordinateur du paradis, Gallimard, août 2014, 214 pages, 17,50 €

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