Jacques Réda et Philippe Hélénon : avaries dans le végétarisme

Les pieds paquets et l'andouille de Vire sont de moins en moins de saison. L'homme - baudelairien ou non - ne doit plus chérir la chair. Surtout celle du cochon. Qu'à cela ne tienne : Réda et Hélénon ne nous exemptent pas de notre instinct bestial et nous font basculer dans des plaisirs licencieux.
Après la tabac, le Bourgogne et les champignons, ils prouvent qu'en nous - comme chez le charcutier - le cochon persiste pour aiguillonner nos museaux et nos gencives.

Le porc fait donc retour en une poésie où il ne se réduit pas à un simple repaire grammatical. Il fabrique une perspective que les véganes veulent ignorer. C'est oublier que dès le premier matin du monde le cochon sauvage badigeonna de son suint les estomacs primitifs.

Pour autant la charcuterie ne fut jamais chantée. Même pour évoquer les massacres guerriers lui fut préféré le terme de boucherie. Mais qu'à cela ne tienne : les deux compères en cochonnerie prouvent que l'officine porcine ne fera plus partie des oubliées.
En parler ne témoigne pas de la débauche, de la pusillanimité ou de l’absence de vertu. Le goret n’est plus tenu au et par le secret. L’écriture taille soudain dans la couenne et le dessin met en scène ce que certains estimeront une erreur suprême.

Néanmoins une autre face du monde se déploie. Celui de plaisirs et d'activités désormais démodés. De la charcuterie surgit en hiatus, bribes et bouts rimés un romantisme particulier là où la truie n'espère rien des hommes sinon d'être dévorée.
Certes à l'inverse du cochon tout n'est pas forcément bon chez le charcutier. Mais l’écriture ne coupe plus notre groin. Et par le dessin, l'animal rit afin de prouver que l'âme humaine est soluble dans la bête. Marins ou non nous vivons toujours dans les porcs.  Cochon qui s'en dédit.

Jean-Paul Gavard-Perret

Jacques Réda et Philippe Hélénon, Charcuterie(s), Fata Morgana, Fontfroide le Haut, janvier 2020, 48 p.-, 12 euros

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