Le mari de Maud Ventura

Quand la narratrice a rencontré son mari, elle a tout de suite su qu’il serait : un parfait  husband material, c’est-à-dire un mari potentiel. Il avait tout ce qu’il fallait le milieu social, les bonnes études, la situation professionnelle, l’élégance.
Et quinze ans plus tard, contrairement à de nombreuses unions démarrées sous de telles auspices, variante moderne du mariage arrangé, l’amour est toujours là.
Plus vibrante encore qu’au premier jour, sa passion est intacte, dévorante.

Prof d’anglais au lycée, transfuge de classe, elle a deux enfants, une maison magnifique et un mari qu’elle attend le soir, se mettant en scène en femme parfaite, un roman de Duras à la main, plutôt que devant un écran. Elle a peu après son mariage acquis le livre de savoir vivre de Nadine de Rothschild qu’elle a potassé comme une étudiante.

Elle s’enivre du terme mon mari qui n’a d’ailleurs pas de prénom. Elle le suit, l’épie, le piste, note ses fautes. Quand elle constate qu’après une heure de cours, il ne l’a pas appelée, elle le fait elle-même pour lui demander s’il lui a bien dit Je t’aime, la nuit dernière. Elle collectionne des carnets où elle note les conseils pour le garder, les punitions qu’elle souhaite lui infliger.  Elle cache un dossier pour qu’il parte sans et soit obligé de l’appeler pour qu’elle le lui apporte, prétexte à un déjeuner ensemble ; dissimule des objets, son portefeuille pour le retarder, le faire douter de sa propre mémoire. 

Elle craint de le perdre à chaque instant : un pourboire trop élevé laissé à une serveuse est bien le signe qu’il est attiré par elle, pire même qu’il est sans doute son amant.
Dans le théâtre de sa vie, tout n’est que signes, interprétations, interrogations. Elle ne s’octroie pas une seconde de répit, pas plus qu’elle ne lui en accorde. Elle s’épuise, l’exténue et donne le tournis au lecteur.
Très vite, il s’avère que la femme parfaite, heureuse à la blondeur hitchcockienne dissimule un être profondément désorienté, qui pourrait basculer dans la folie. Son mari qu’elle aime et déteste à la fois n’est que le prétexte, la focalisation de son mal-être, de sa névrose.

Mon mari est un huis-clos palpitant se déroulant sur sept jours, offrant au roman de Maud Ventura une tension et un suspens à la fois drôles et pervers, jusqu’au dénouement qui réserve une surprise de taille, le mari prenant alors la parole pour la première fois.
Sur le fil, l’écriture de Maud Ventura, brosse un portrait de femme aussi surprenant que dérangeant.
 

Brigit Bontour

Maud Ventura, Mon mari, L’iconoclaste, août 2021, 350 p.-, 19 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.