La tête des autres, un brin d'ironie et de cynisme au Français

Nous sommes dans les années 1950. Dans son salon, une femme met un morceau de jazz sur son tourne-disque. Elle accueille son mari procureur triomphant d’avoir emporté la condamnation d’un accusé qui pouvait sembler innocent. Il célèbre avec délectation la mort d’un prévenu comme la garantie de ses prouesses verbales. Le ton de la parodie est donné : on assiste à une caricature ironique des procédés de la justice, suspendue aux habiletés rhétoriques de ceux qui sont chargés de la rendre. Les renversements successifs de la situation finissent par ridiculiser la magistrature comme toutes les professions de pouvoir. Le décor, simple, varie au moyen de quelques substitutions de mobilier. Le metteur en scène s’efforce de servir le texte avec efficacité, émaillant le spectacle de quelques astuces qui ne modifient pas l’équilibre de la représentation, qui se nourrit du climat des polars de série B.


Le propos, burlesque, d’actualité, risque à tout moment de basculer dans la dénonciation suspicieuse de tout puissanc. Certes le thème est convenu, facile à tisser, mais son cynisme est édulcoré par un dynamisme échevelé. L’invraisemblance et la cocasserie des situations, des événements et des propos rend le cocktail doucereux buvable. Cette dénonciation de la corruption inscrite dans la société par notre tendance congénitale à l’iniquité a l’agrément d’une fable aux renversements incessants, aux revirements vaudevillesques et rocambolesques, que les comédiens parviennent à faire vivre malicieusement, sans toutefois tous donner à leur personnage l’ambigüité souhaitable. Une fable cynique mais plaisante, où l’injustice témoigne implacablement de son pouvoir jusqu’à terme ; un divertissement qui peut nous interroger sur nos failles, et dont on peut toujours goûter la saveur sans en apprécier la teneur.


Christophe Giolito


La tête des autres, de Marcel Aymé, mise en scène Lilo Baur


Avec Serge Bagdassarian, Clément Hervieu-Léger, Félicien Juttner, Laurent Lafitte, Alain Lenglet, Nicolas Lormeau, Mich Ochowiak, Laure-Lucile Simon, Florence Viala, Véronique Vella.


Assistante à la mise en scène : Katia Flouest ; Scénographie : Oria Puppo ; Costumes : Agnès Falque ; Lumières : Gwendal Malard ; Création sonore : Mich Ochowiak ; Maquillages et coiffures : Catherine Bloquère.


Pour la première fois à la Comédie-Française, au théâtre du Vieux-Colombier, 75006 Paris

http://www.comedie-francaise.fr/spectacle-comedie-francaise.php?spid=367&id=516


Du 8 mars au 17 avril 2013, durée: 1h50.

Le texte de la pièce (1950) est paru à la Librairie Générale Française (coll. « Le livre de poche ») en 1986.

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