Huit montagnes, au bas mot - Prix Médicis étranger 2017

On a bien failli manquer Paolo Cognetti : depuis son Médicis étranger, à la suite du prix Strega, les medias nous l'ont présenté comme un sauvageon, un montagnard velu ou pire : "En vallée d'Aoste, l'ermite qui ne valait pas un clou", titrait le Dauphiné libéré du 4 décembre !
Cependant, il suffit de le lire : l'homme est un écrivain (bientôt traduit en 35 langues) qui, à l'instar des Ramuz ou des Rigoni Stern, nous peint la montagne à grands coups de pinceau trempé dans l'eau des glaciers.

Nous pouvons supposer que son unique roman, Les huit Montagnes, est en grande partie autobiographique.
Un gamin qui ressemble à l'auteur enfant, puis jeune homme, découvre la montagne à cause de son père et grâce à un ami. C'est simple, mais c'est grandiose. Explorant la montagne avec son meilleur ami, Pietro découvre des passages insoupçonnés : "Certaines de ces voies avaient été ouvertes à coup de pioche. Quand je lui demandais qui les avaient empruntées, il me répondait les mineurs ou les bûcherons en me montrant les preuves que je n'avais pas su relever. Une arrivée de téléphérique, bonne pour la casse et envahie par les buissons. La terre encore noire de feu, juste en dessous une couche plus sèche, là où un temps il y avait eu une charbonnière."

Petit à petit, le gamin va pardonner à son père sa rudesse, les silences imposés à sa mère, la fatigue occasionnée par des expéditions pour le moins violentes, au bout desquelles on parvient au sommet, les jambes en miettes, les poumons brûlés, le cœur au bord des lèvres. Jeune homme, il va revenir sur les lieux où son père l'a entraîné, tiré, contraint à grimper, et grâce à la bonté de son meilleur ami, va rebâtir avec lui une baraque, loin en altitude. Et comment fait-on lorsqu'on n'a pas de ciment, et seulement de vieux morceaux de poutre ? Quand on a juste un mulet pour monter des sacs de sable ?
Dans ce monde de bois et de pierre, Pierre ou Pietro réapprend la valeur des choses, oublie la ville de Milan, replonge dans un univers de mélèzes et de chamois.

Mais il ne fera pas que cela : capable de prendre le large, contrairement à son meilleur ami, il va partir explorer au Népal les sentiers de l'Himalaya : "Plus loin, au sortir de la forêt, ce n'étaient pas des saules ou des genévriers que je vis apparaître, mais une cannaie de bambous. Des bambous ! pensai-je. Des bambous à trois mille mètres. Des gamins passaient avec des bouquets de cannes qui ondoyaient sur leurs épaules."
C'est tout un univers disparu que le jeune homme retrouve, un monde qui n'existe plus dans le val d'Aoste où il a passé une bonne partie de son adolescence et qu'il a voulu retrouver ensuite. Faut-il y revenir ? Quitter les plus beaux sommets du monde ? Et que trouve-t-on au retour ? Un "homme sauvage" ? Une "sépulture céleste" ? Des bêtes et un alpage ? Du bois à couper et fendre à la hache ? Une femme ? Une avalanche ?

Bien sûr, on ne révélera pas la fin de ce roman, qui est puissante et poignante. C'est le genre de livre à lire aux alentours de Noël, près de la cheminée, là où le bois craque encore.

Bertrand du Chambon

Paolo Cognetti, Les huit montagnes, Stock, août 2017, 298 p.-, 21,50 €

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