Une simplicité trompeuse : « Les Voyages de Daniel Asher » de Déborah Lévy-Bertherat

Les éditions Rivages ont publié dans leur nouvelle collection violette un premier roman intitulé Les Voyages de Daniel Ascher. Le livre, que l’on doit à Déborah Lévy-Bertherat, professeur de Littérature comparée à l’ENS, a le charme des objets ciselés, évocateurs de périodes révolues propices à la nostalgie, mais qui n’en ouvrent pas moins de façon feutrée sur le tragique.

      Car le temps et ses mystères sont au cœur de l’intrigue. Hélène, étudiante en archéologie vient loger à Paris chez son grand-oncle Daniel qui, malgré son âge, semble avoir refusé de grandir : il est décrit comme « plutôt petit et fluet, les cheveux en bataille, gesticulant », préférant aux « occupations sérieuses » s’adonner à l’écriture de romans d’aventures. Pourtant le passé de Daniel recèle des secrets dont le dévoilement aura des incidences sur le présent de la jeune femme.

      Résumée ainsi, l’intrigue du roman peut sembler banale, mais c’est moins en elle que tient ce roman que dans l’implicite ou les allusions, principe qui fonctionne à différents niveaux, à commencer par la vie du protagoniste : Daniel Ascher a donné à sa vie une apparence de roman d’aventures traditionnel quand elle dissimule en fait une tragédie muette. Selon un principe semblable, Les Voyages de Daniel Ascher ouvrent, à travers une intrigue de roman d’éducation, sur une profusion de récits possibles et interrogent sur leur puissance salvatrice (ou leur valeur d’échappatoire).

      Tout est sobre et délicat dans ce roman au style élégant, mais sans ostentation. Et si l’on peut trouver que l’intrigue « contemporaine » (les amours d’Hélène) manque un peu de chair, on devinera que c’est sans doute la contrepartie d’une écriture capable de suggérer avec une grande subtilité plaies et vertiges du passé sans sombrer dans le pathos. Autant dire que la simplicité des Voyages de Daniel Ascher n’est rien d’autre qu’une apparence trompeuse, ce dont aucun lecteur ne saurait se plaindre.

 

 

Déborah Lévy-Bertherat, Les Voyages de Daniel Ascher, coll. « Littérature/Rivages », Éditions Payot & Rivages, août 2013, 192 pages, 18 euros
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