Sourde, muette, aveugle, histoire de ma vie

Helen Keller (1880-1968) est une femme absolument remarquable et qui donne, par l'exemple de sa vie, une leçon poignante à quiconque lit son autobiographie : Sourde, muette, aveugle, histoire de ma vie.  Militante socialiste, pacifiste et féministe, c'est une des premières femmes américaines diplômées de l'université, et très tôt elle crée une fondation (HKI) qui, aujourd'hui encore, est active dans 22 pays où elle lutte contre la malnutrition et la cécité. Sa vie est un combat terrible pour devenir une personne normale — elle sera finalement tellement plus ! —, elle est mue par une incroyable envie d'apprendre, de s'approprier le monde dont elle a été privée dès son plus jeune âge : une vilaine scarlatine la rend vite sourde, muette et aveugle, l'enferme donc dans une bulle. C'est grâce à une éducatrice diplômée de l'Ecole pour aveugles Perkins, Anne Sullivan, qu'Helen va progressivement apprendre à communiquer et, pour ainsi dire, renaître. Il faudra attendre cinq ans pour que la petite fille capricieuse se transforme en une jeune fille agréable et curieuse de tout.
Sans jamais se plaindre de son sort, Helen Keller retrace son long combat et le prodigieux dévouement de sa libératrice, comme elle l'appeler plus tard dans un livre qu'elle lui consacrera, revenant sur les 49 ans d'une incroyable amitié. Son combat, au jour le jour, c'est d'apprendre : elle commença à "voir" les lettres par la forme des mains d'Anne Sullivan qui formait un alphabet particulier, puis elle devint une conférencière recherchée pour la qualité de son discours et la force de son engagement, pas du tout par curiosité malsaine. Entre temps, découvrant son histoire et son opiniâtreté alors qu'elle est élève dans des écoles spécialisées, Mark Twain paie ses études supérieures et plus tard en fera un éloge magnifique, contribuant à sa manière à en faire une des personnalités les plus emblématiques de l'Amérique.
D'une incroyable force émotionnelle, ce témoignage sur la vie qui se découvre lentement, et sur le travail quotidien pour tenter de conquérir son autonomie sensible, ayant appris les mots au contact des choses : Anne Sullivan lui faisant toucher les mots qu'elle lui apprenant, comme l'eau, les fleurs... Plus tard, elle apprendra le braille et la langue des signes, mais jamais le lien entre les deux femmes ne se distendra.


Loïc Di Stefano

Helen Keller, Sourde, muette, aveugle, histoire de ma vie, suivi de Lettres et de trois courts essais sur l'auteur, traduit de l'anglais (USA) par Antoinette Huzard, Payot-Rivages, "petite bibliothèque Payot", 288 pages, 8,65 eur
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