Philippe Henriot, la voix de la collaboration

Né à Reims dans une famille de la droite catholique traditionaliste, militaire et antisémite (chose qui s'affichait au début du XXe siècle, le journal La Croix avait son bandeau "le journal le plus antisémite de France....), Philippe Henriot (1889-1944) est d'abord professeur de Lettres en Dordogne puis, ayant épousé en 1914 la fille de propriétaires viticoles, il mènera en parallèle l'enseignement et la gestion du domaine familial. En 1925, déjà directeur du journal L'Action Catholique et membre de la Fédération nationale catholique, il doit à un "coup de chance" d'entamer sa carrière politique : remplaçant au pied-levé l'abbé Bergey (député de Gironde) il fait entendre sa voix et marque immédiatement les esprits. Jusqu'en 1932, il va participer avec l'abbé Bergey et le Général de Castelnau à des réunions publiques, jusqu'à remplacer l'abbé comme député de la quatrième circonscription de Bordeaux. A partir de ce moment, et jusqu'en 1940, il va mener son combat de député antisémite, anticommuniste, antimaçon et antiparlementaire, participants par exemple à la chute du gouvernement Chautemps en 1934 et soutenant les Ligues qui, en février, marchent contre la République. 

Très actif, après avoir été pacifiste en 1939 et pétainiste de la première heure, il participe à la vie intellectuelle en écrivant pour les journaux collaborationnistes et prenant une part de plus en plus forte au sein du gouvernement, même si Pétain lui-même ne favorisait pas son essor. 

Cet engagement politique verra son sommet quand Henriot deviendra la "voix" de la collaboration, mettant ses talents d'orateur au service de Radio Vichy. Et son succès est tel que ces émissions jusqu'alors boudées deviennent de véritables succès populaires, et qu'Henriot devient celui par lequel la pensées collaborationniste s'insinue dans les esprits. Tellement qu'il va être assassiné, cible prioritaire de la Résistance, dans les locaux mêmes du Ministère de l'Information et de la Propagande, rue de Solférino. Il venait d'être nommé, sous la pression d'Hitler lui-même, Secrétaire d'Etat à l'Information et à la Propagande. Et son assassinat donnera lieu à une série de représailles sanglantes, d'hommages (des affiches avec son portrait placardé partout avec cette phrase : "Il disait la vérité, ils l'ont tué") et des obsèques nationales.  

C'est cette mort qui ouvre la biographie de Pierre Brana et Joëlle Dusseau, historiens de la Gironde, donnant vie à ce personnage terriblement compromis au moment où son assassinat en donnait la vraie dimension : celle d'une personnalité très influente qu'il fallait faire taire pour décontaminer la population du "venin" de la collaboration. 

Le récit est mené avec un ton agréable, simple et vivant, prenant de bout en bout, très bien documenté (même si on pourrait regretter l'absence d'illustrations) qui ne concède rien aux crimes du propagandiste mais lui donne en même temps une réelle épaisseur, une vie. C'est la première monographie consacrée à ce personnage, l'un des civils les plus influent de l'Occupation, il menait la guerre avec ses armes, les mots, tranchants et percutants. Il n'a pu, comme certains écrivains et journalistes, fuir et se cacher en attendant l'absolution. Il semblait même attendre ses bourreaux, qui l'ont assassiné devant sa femme. 

Loïc Di Stefano

Pierre Brana et Joëlle Dusseau, Philippe Henriot, la voix de la collaboration, Perrin, avril 2017, 350 pages, 24 eur

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.