Au Galop Bleu de la Beauté

Avec quelques grammes d'Alcools dans l'âme, Laurent Desvoux-D'Yrek nous parle de la passion qui l'anime, la poésie. Pour l'auteur d'Au Galop bleu de la Beauté, elle n'est cependant pas une fin en soi, mais un moyen. Un moyen de rencontrer et de comprendre l'autre, au sens du cum-prehendere latin : Entourer, prendre l'autre avec soi.
Nous avons rencontré Laurent Desvoux-D'Yrek autour d'un grand verre (non alcoolisé) et de quelques vers (beaucoup plus alcoolisés). Le temps de lui poser quelques questions sur sa vie et son œuvre.

Au Galop Bleu de la beauté, quel beau titre pour un recueil, n'est-ce pas ? Pouvez-vous me dire, cher Monsieur, d'où provient-il ?
Le titre de mon ouvrage est emprunté à un poème de Guillaume Apollinaire. La forme originelle de ce vers Au galot bleu des souvenances provient d'un poème datant de 1918. Publié un siècle après la mort d'Apollinaire, mon ouvrage se veut être une sorte de souvenir, un hommage appuyé à Apollinaire.

Homme de l'avenir, souvenez-vous de moi ! aurait dit Guillaume Apollinaire avant de disparaître. Votre ouvrage publié un siècle après sa mort est-il une réponse à cette invective lancée aux hommes du futur ?
Oui, sans aucun doute ! Guillaume devait pressentir l'importance historique de sa poésie. Il devait ressentir aussi l'angoisse de voir disparaître son œuvre, de la voir passer à la trappe...
Son rôle de rassembleur dans les arts peut être continué, poursuivi au-delà de sa mort.

Apollinaire passe pour un poète, sinon le poète de la Modernité. Il est en tout cas l'un des premiers à faire entrer dans sa poésie des mots de la technique moderne. Le mot électricité, par exemple. Dans le même temps, il manifeste une fascination pour les légendes germaniques, le monde "ancien", l'Antiquité. Comment vous situez-vous par rapport à la modernité et la tradition d'Apollinaire ?
Apollinaire se tient en effet sur une crête, un pont reliant le passé et le futur, la tradition et la modernité. Le présent, c'est ce qui permet de rejoindre les deux rives, de de les tisser entre eux. Lui qui est au seuil de cette modernité nouvelle n'hésitait pas à garder un œil sur le Moyen-Age et l'Antiquité. Il cherche à étreindre la beauté moderne, notamment à travers l'architecture innovante de Paris. Autre passerelle entre le passé et l'avenir, les bibliothèques. Apollinaire essaimait les bibliothèques d'Europe à la recherche de vieux livres. L'image que nous devons retenir de lui est celle-ci : Apollinaire est le poète qui se promène au bord de la Seine avec un livre ancien. Ses poèmes sont blasonnés de termes surannés et des formules latines. Mais dans le même temps, il est un admirateur de la modernité.
Charles Baudelaire était beaucoup plus critique et ironique qu'Apollinaire quant à la modernité. Apollinaire vibrait avec l'architecture - nouvelle à son époque : la Tour Eiffel par exemple.

Vous avez prononcé les mots pont et passerelle à plusieurs reprises dans notre entretien. De plus, vous vous qualifiez vous-même d'homme sur le pont. Pouvez-vous nous dire à quoi riment ces occurrences répetées du mot pont de votre lexique ?
Homme sur le pont est une expression que j'emploie, en effet, pour dire que l'on est en pleine action, embarqué à la fois dans le bateau de la vie et celui des arts. Au demeurant, je me reconnais dans ma volonté d'action, autant moussaillon que capitaine. Je me situe sur un pont entre passé et avenir, mais aussi entre les poètes, les poèmes, et les diverses formes poétiques.

Soldat pendant la Première Guerre Mondiale, Apollinaire a magnifié la technique. Les obus qui explosent, et qui déchiquettent les hommes, ressemblent pour lui à des mimosas en fleurs ! Alors que d'autres écrivains ont haïe la guerre moderne et la technique, il l'a magnifié. Comment expliquez-vous cette fascination malsaine pour la technique ?
C'est un paradoxe. Une question épineuse. Une manière à lui de faire une sorte de Carpe Diem. En effet, la guerre était pour lui un passeport pour obtenir la nationalité française. Il l'a d'ailleurs obtenue à la suite de sa blessure qui s'est avérée mortelle...
1918 est l'année de sa mort, causée par sa blessure à la tête, aggravée par l'épidémie de Grippe Espagnole. 1918 est aussi l'année des fameux Calligrammes, formes dessinées du poème. Cette révolution trop souvent réduite à une sorte de gaminerie ludique est selon moi à poursuivre ! Certains poètes considèrent les Calligrammes comme des exercices vains ou secondaires. A contrario, je pense qu'il y a possibilité de les pousser plus avant. Vers un art du futur. Pour moi, les derniers Calligrammes, dont certains étaient des peints de couleurs, contiennent les formes poétiques du futur. Je lance donc un appel aux poètes d'aujourd'hui : plongez-vous donc dans les Calligrammes de Guillaume Apollinaire !

Les poètes du futur ne sont-ils pas pour Apollinaire ceux que l'on appelle aujourd'hui les cinéastes ?
Apollinaire était avant tout poète. Mais il a aussi touché au roman et au théâtre. Il s'est frotté aussi à la critique d'art. Pour lui la poésie était le filigrane de tous les arts. Il a touché à tous les arts, mais les mots sont toujours restés dans sa perspective.

Nous avons en effet beaucoup parlé des mots. Je me demande si, pour vous, les m.o.t.s. peuvent soulager les m.a.u.x. de la société ?
Je pense que toute parole peut aider à se tenir debout, en tant qu'être humain. Les mots sont donc une aide précieuse. La parole poétique peut aider aussi à supporter les maux tels que la guerre, la misère, la pauvreté. L'association Stop à l'Isolement, née pendant le confinement, vise à lutter contre la solitude, cancer de nos sociétés modernes. Pour moi, la poésie est synonyme de main tendue, de passerelle ou encore de partage !

Gandharian

Laurent Desvoux-D'Yrek, Au Galop Bleu de la Beauté, Éditions Unicités, mars 2024, 250 p.-, 16 euros.

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