Christophe Manon : un renard aux mains nues

Christophe Manon, sous l’égide de Villon,  tente ce qu’il nomme un « lyrisme de masse » à la jonction de la politique et du « protopoème ». Proche d’écrivains tels de Tarkos ou Ivar Ch’Vavar  il a collaboré à de nombreuses revues  fortement marquées par un modernisme engagé (Fusées, Java, Le Bout des Bordes, Exit, Le Jardin ouvrier entre autres). Chez lui la poésie lyrique passe avant tout par le corps (offert parfois dans des lectures publiques) et ses trous d’où jaillissent souffle et cri, désir et colère. Refusant les petites lâchetés qui font de l’autre un objet ou un tombeau, le poète vise juste les pleutres existentiels. Tel un exorciste athée  il   « enfonce des pieux dans l’esprit du monde » puis « se jette dans le soleil d’or » au moment où sa voix devient polyphonique et éclatée pour faire zigzaguer les certitudes et se retourner les morts. Comme chez Villon et Baudelaire ils vivent  soudain de tous ce qui les habite. L’univers poétique fait s’éveiller les images monstrueuses ou érotiques même si l’état du monde tire vers le fond. C’est pourquoi cette écriture cherche avant tout à  réveiller les morts surtout les morts-vivants qui ne peuvent être libres. Artaud n’est pas loin : la littérature d’imprécation de Manon le rejoint en prouvant que la rage est la meilleure conseillère afin que le lyrisme échappe au mièvre.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Christophe Manon, Cache-cache, Derrière la salle de bains, Rouen, 10 €

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