Nicole Hardouin et les amants d’un jour

Il est des vies qui n’apprennent que l'attente sans fin, le temps mort. Rien ne peut sortir d'un tel cerclage au nom d’une expérience première. La poétesse la passe sous silence. Mais c’est elle qui donne à « Fontaines carnivores » tout son sens oxymorique.  Dès le premier regard - pourtant amoureux et sensuel - la séparation est programmée presque à corps ou âme défendant. Du texte émane le tragique de l’impossibilité. Les fantasmes ont beau pousser comme des herbes folles elles se fanent aussitôt. Et si la possibilité d’une île existe : nulle question d’arrivée à son port. Les aimants doivent descendre du train ou quitter le bateau. La seule solitude peut être programmée à terre perdue, à saveur de néant. L’amour (terme d’ailleurs ambigu) restera le territoire où rien n’est permis sinon quelques touffeurs. Inertie, énergie s'y chevauchent. Mais  l’être restera rivé à sa solitude et sa prison premières. Ne demeure que la chute programmée « en bordure du ravin ». Un « ça n’a pas d’issue » s’enfonce, l’auteure ne peut qu’en soulever les écailles sur le matelas des songes.  C’est en ce sens que l’“ acte ” d'écrire devient paradoxalement extatique, exorbitant. S'y produisent un renversement, un retournement, un basculement. Rares sont les poètes capable de restituer avec une telle précision abrupte  un règne insurpassable, élémentaire. Les amants ne peuvent que marcher dans leurs chaînes. Ils ne seront toujours que des amants d’un jour.


Jean-Paul Gavard-Perret

 

Nicole Hardouin, Fontaines carnivores, Librairie Galerie Racine, 76 pages.

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