Pascal Boulanger : ce qui fut

Quels que soient les rosiers greffés en bordure des massifs, les vipères sur la poussière des chemins, les tranchants de lune sur la nuit insomniaque, les tuiles rouges sur le bleu du ciel reste ce que la poésie aiguise : le désir de brûler, de s'enivrer là où l'amour transfigure le monde sous une multiplicité d'images. Pascal Boulanger les déploie en listings qui ouvrent et prolongent une grande partie de son livre d'amour pour celle qui laisse le plaisir déplié sur le velours de sa peau et qui offre dans la lumière cachée derrière la lumière la simplicité silencieuse de notre amour.
Mais vient par contre-coup – dans le second moment du livre – ce qui l'anéantit mais d'une certaine manière le prolonge en dépit de ce qui a pris fin. L’absente n'a pas disparu – du moins pas en totalité : Pour jouir de la vitalité de l'illusion, serais-je encore  une nuit entière  dans le rêve d'une femme ? écrit le poète au moment où la seule s'est effacée et ne voit plus ni fond ni rive.
Elle laisse la scène vide, ne brûle que par sa glace si bien que s'ouvre un espace clos et nocturne. Le poète tente par ses mots d'illuminer au-delà de la ruine affective. Il convient encore de chercher le visage perdu. Voilà alors ce que fait la poésie – dans le pire comme dans le meilleur – en sa croissance extensive. Elle féconde encore ce qui a été perdu en ce diptyque où gouffre et extase cohabitent au-delà du bouclage du temps qui passe.

Jean-Paul Gavard-Perret

Pascal Boulanger, Si la poésie doit tout dire…, éditions du Cygne, août 2022, 52 p.-, 12€

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