François Villon agent secret des Lumières dans "La Confrérie des chasseurs de livres" de Raphaël Jerusalmy,

Quand un personnage historique dépasse la fiction, toute vie qui pourra lui être inventée devient plausible, si tant est que l'inventeur soit talentueux et assez érudit pour proposer une aventure à la hauteur de l'homme. L'homme, c'est François Villon (1431-1463), bagarreur, brigand, maître de l'université des arts de Paris à 21 ans et sans doute le plus important poète de la fin du Moyen Âge. Comme sa trace se perd totalement après qu'il soit banni de Paris, champ libre est laissé à l'imagination de Raphaël Jerusalmy pour en faire - et pourquoi pas ? - un espion au service de Louis XI.


A la fin du Moyen Âge, deux camps s'opposent. Celui des lumières, du progrès, mené par Louis XI et ses alliés les Médicis et les Sforza. Celui de la tradition stricte, mené par le pape Paul II et son allié paradoxale, l'Empire Ottoman. C'est un combat pour la diffusion de la culture, pour que les "lumières" se déploient et balaient l'obscurantisme. Et c'est à François Villon, affublé de son acolyte Colin de Cayeux, comme lui ancien coquillard (1), que revient l'honneur d'aller trouver Johann Fust, imprimeur à Mayence et surtout l'associé de Guttemberg, pour l'inciter à diffuser "en masse" les textes mis à l'index par le pape, dont la République de Platon. Avant d'accepter, Fust doit en référer à une mystérieuse autorité, et c'est le point de départ d'une longue série de rebondissements et de voyages... Si l'atmosphère médiévale d'un combat culturel et littéraire rappelle fortement Le Nom de la Rose d'Umberto Eco, Raphaël Jerusalmy, lui-même ancien agent du Mossad et aujourd'hui libraire d'ancien à Tel-Aviv, déplace le roman policier en roman d'espionnage et d'aventures.


D'aventures, Villon et son comparses vont en vivre ! A travers toute l'Europe et l'Orient, ils découvriront des secrets incroyables, des manuscrits interdits et, comble de la joie du roman picaresque, l'amour sera au rendez-vous ! C'est un grand roman d'aventures que cette Confrérie des chasseurs de livres, mais d'une aventure toujours culturelle (même si les dangers physiques sont aussi nombreux et bien réels) qui permet à Raphaël Jerusalmy de déployer, dans une écriture généreuse et prenante, tous les ressorts de sa facétie avec un seul mot d'ordre : montrer que le combat pour la diffusion de la culture est d'abord un acte d'amour envers les livres.



Loïc Di Stefano


Raphaël Jerusalmy, La Confrérie des chasseurs de livres, Actes Sud, août 2013, 320 pages, 21 eur


(1) La bande de la Coquille sévit vers 1455 à Dijon. Des simples bagarres de rues aux vols et meutres, c'est un peu le crime organisé médiéval.

2 commentaires

L'idée de placer le livre au centre du roman était intéressante de même que de prolonger la vie de François Villon au  delà de ce que nous en savons. Ceci dit j'ai trouvé que l'histoire avait du mal à démarrer et traînait en longueur dans les 100 premières pages. La suite est beaucoup plus rythmée. 

c'est un roman picaresque, il doit mettre en place toute sa machinerie