Klaus, l’autre Mann

Fils de Thomas Mann, prix Nobel de littérature 1929, Klaus (1906-1949) luttera contre l’ombre paternelle. Trop grande. Trop envahissante. La dépression, les drogues, l’amour des hommes le pousseront à se suicider à Cannes… Se sentant paria dans un monde trop petit. Voici une nouvelle traduction de sa première nouvelle publiée. 1926, il n’a alors que vingt ans. La rivalité avec le père se déclare au grand jour. Il faut dire que Thomas Mann ne brille pas par sa modestie. Réfugié aux USA dès 1938, il dira l’Allemagne est là où je suis. Menant sa famille d’une main de fer. Froideur qui marquera plus le jeune Klaus car il ose marcher sur les mêmes pas. La littérature.

Ainsi cette nouvelle s’inscrira, à sa sortie, en opposition à celle de son père, Désordre. Deux visions de la famille vont s’opposer. Mais que pourrait faire le fils face à celui qui a déjà publié La Mort à Venise, La Montagne magique… Or, le destin qui a de l’humour enverra Désordre aux oubliettes. Et laissera Nouvelle d’enfance en haut de la pille. Récompense pour ce texte vibrant de fragilité qui va permettre à son auteur d’exister.

Klaus Mann n’est donc pas l’épigone de son père. Il a construit son style. Affiche un ton qui lui est propre. Plus rapide, moins pompeux. Et ne vous fiez pas au titre innocent. Son auteur montre déjà son engagement pour les marginaux. Les persécutés. Klaus Mann se lance dans un combat politique. Il se voit déjà européen alors que la République de Weimar est en train de sombrer. Il évoque déjà une alliance France-Allemagne. Pourtant ce livre n’est pas un pamphlet. C’est une belle et profonde histoire d’amour avec ses tensions et ses rebondissements. Ses drames et ses secrets. Narré avec style dans un souffle particulier qui en fait la richesse. Entraînant avec lui une constellation de thèmes : la perte, l’abandon, la mort et des retrouvailles rêvées…

 

Annabelle Hautecontre

 

Klaus Mann, Nouvelle d’enfance, traduit de l’allemand par Pierre Deshusses Rivages, mars 2021, 128 p.-, 16 €

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