Robert Goddard, "Sans même un adieu"

Robert Goddard a un style propre et une mécanique romanesque bien huilée, qui consiste le plus souvent à immerger des personnages a priori sans épaisseur dans un passé qui va donner sens à leur existence, plus ou moins violemment. Sans même un adieu ne déroge pas à cette "règle". Volontiers labyrinthique, menant le lecteur d'une fausse vérité à l'autre, dans un paysage qui se peint petit à petit et dont les touches éparses et polychromes forment tout aussi bien une part importante de l'histoire, ce roman est la plongée d'un homme effacé de sa propre vie dans les secrets d'un passé dont il n'a pas mesuré l'ampleur de sa prégnance. 

Dans l'Angleterre du début du XXe siècle, période de prédilection  de Robert Goddard, Geoffrey Staddon a tourné le dos aux meilleures choses de sa vie. Il a tourné le dos à la belle maison Clouds Frome, sa plus belle réussite en tant qu'architecte. Il a tourné le dos à la femme qu'il aimait, Consuela Caswell, et qui l'a aimé en retour. Douze ans plus tard, au milieu des lambeaux de sa carrière et de son mariage, il est obligé de contempler le remords et la honte de sa trahison. Mais quand il lit que Consuela a été accusé de meurtre, il sait instinctivement qu'elle ne peut pas être coupable. Et quand elle lui envoie sa propre fille, implorant de l'aide, Geoffrey ne peut plus ignorer l'attrait dangereux du passé. Il doit retourner à Clouds Frome et affronter les sombres secrets qu'il cache, et qui vont bouleverser le morne déroulé de sa vie.

S'il n'est incontestablement pas son meilleur roman (on lui préfèrera toujours son magnifique Par un matin d'automne), Sans même un adieu, initialement publié sous le titre Debt of Dishonour (Dette de déshonneur), contient tous les éléments d'un bon "thriller mémoriel" et cette manière propre à Goddard d'emporter son lecteur. 

Loïc Di Stefano

Robert Goddard, Sans même un adieu, Sonatines, novembre 2016, 736 pages, 22 eur
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