Quand Charles attend selon Marie-Laure Dagoit

 

Marie-Laure Dagoit, « Charles ardent », (photographie de Gilles Berquet) Derrière la Salle de Bains, Rouen, 48 pages, 18 E.

 

 

Marie-Laure Dagoit aime s’amuser et abuser son lecteur. Elle joue la muse incandescente pour qu’il tombe dans son panneau. Elle réussit son coup. Dès lors ceux de Charles – quoiqu’ardents - semblent bien peu de choses. Preuve - s’il en était besoin - que l’érotisme est une cosa mentale. Mais qu’importe après tout. Et qu’importe la nature des plaisirs. Ceux du texte ne sont les moindres, surtout lorsque Marie-Laure Dagoit est aux commandes. Elle fomente à la fois une monnaie de singe et  une vie secrète. Séparée et secrète. Des corps, ce qui est dit est lissé dans le sens des poils afin de polariser la panoplie des songes et des désirs. Pas n'importe lesquels : les obscurs songes de l'âme, les clairs désirs du corps. Pour autant rien n'est rendu palpable tant les procédés sont des trompe-l'œil et des trompe-toi toi-même. Par fausses évidences et fausses confidences la littérature se charge de densité sous couvert de décharge. Marie-Laure Dagoit n'en retient même pas l'écume. Le corps se détache de la tête - l'inverse est vrai aussi. Et par effet de surface l'auteure déplace les habituels points de fixation sur lesquels l'érotisme s'appuie. Le texte devient une matière aussi abstraite que sensuelle. Tout y demeure entre clôture et passage, exhibition et aporie. La nudité, le sexe et son transport sont rassemblés pour la caresse du regard. Mais l’écriture « plastique » souligne aussi  l'absence, l'absolu de l'absence, l'absolument séparé. La peau comme l’écriture reste une frontière, un barrage plus qu'un passage entre rêve et fable. Rien ne s'achève. Tout s'égare. La Charles-attente ouvre moins à une perte d'équilibre qu’à un autre versant du sommeil.  Le corps n'appartient qu'à son mystère. A son amour peut-être. Car comme l'écrit une autre auteure Danielle Mémoire  "l’amour préside au chemin – il n’y a pas de chemin où il n’y a pas d’amour".  C’est pourquoi sur ce chemin les textes de Marie-Laure Dagoit restent des horizons poétiques. Mais des horizons qui répondent à leur nature : à mesure qu'on s'en rapproche ils s'éloignent.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

 

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.