De l'épouvantable en littérature : M.R. Carey.

 

Un des privilèges des chroniqueurs littéraires inconnus, c'est de pouvoir lire des auteurs inconnus. Ainsi, tenez, Carey : c'est un gars qui est né en Grande-Bretagne en 1959. On sait qu'il a écrit des scénarios pour Marvel, mais à part ça ? Rien, ou presque. La proie idéale.


Et justement, des proies, dans son dernier roman, il y en a ! Les humains sont devenus des proies. Ils vivent reclus dans des forteresses, font des expériences cruelles sur des enfants mutants pour voir si on ne pourrait pas extirper un virus que... qui... On ne sait presque rien, au début. Nous nous trouvons à la place d'une enfant capturée, Melanie, qui est équipée d'une muselière et qui paraît dangereuse. Et dans la région où se trouve sa prison, ça barde : " Alors, quand une patrouille de rafleurs de Beacon croise une troupe de cureurs, ça dégénère à tous les coups. Parks doit sa balafre à un de ces types. Elle n'a rien de romantique, rien d'une jolie cicatrice de duel, non, c'est un sillon atroce aux bords dentelés qui lui barre le visage comme une brisure à senestre sur un vieux blason. "


Mademoiselle Justineau, jeune scientifique au cœur tendre, prend sous sa protection la jeune Melanie, qui a de si grandes dents. Cette charmante enfant la prévient : quand vous vous approcherez trop de moi lors de mes crises, je vous prierai de vous éloigner. Sinon, morsures (et certaine !).

Las ! De vils mutants prennent d'assaut la forteresse, et tout ce petit monde doit s'enfuir, humains, enfants mutants sujets d'expérience, et autres créatures mal définies.


Ne vous éloignez pas ! Oui, c'est gore, ça fait penser à la Nuit des morts-vivants, c'est légèrement convenu, mais voilà : on tombe sous le charme... Est-ce que la douce Mlle Justineau va tomber amoureuse de la mignonne Melanie (aux dents pointues) ? Est-ce que celle-ci va s'enfuir ? Faire du mal à quelqu'un ? Est-ce que tous ces humains, derniers de l'espèce semble-t-il, vont s'échapper ? Trouver une solution ? Inventer un antidote au terrible poison qui a ravagé l'humanité ?


C'est alors que le talent de l'auteur se déploie : une solution inédite à chacune de ces questions. Non seulement il tisse une histoire terrifiante qui fait de ce roman véritable page-turner, comme on dit au nord de Leeds, mais encore il parvient à surprendre, à nous entraîner dans une succession de faits invraisemblables auxquels, peu à peu, nous croyons dur comme fer.


Roman pour les vacances il est vrai, pour mettre un peu de sang sur la serviette de plage, et pour échapper un moment à tous ces terroristes, ces météorologues, ces Grecs et ces politologues.

Alors, zombie merci à qui ?


Bertrand du Chambon


M.R. Carey, Celle qui a tous les dons, éd. L'Atalante, octobre 2014.


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1 commentaire

D'ailleurs, je ne vois pas pourquoi les chroniqueurs connus qui écrivent pour des médias connus ne pourraient pas être des défricheurs. Ils le devraient, c'est leur job...