"O-Yoné et Ko-Haru", l'Asie sublime de Wenceslau de Moraes
Placés sous le haut patronage de Lafcadio Hearn, « le conteur de
génie des choses japonaises », les écrits de Wenceslau de Moraes sont
d'un exote qui se dépouille autant que peut de la culture qui est la
sienne pour s'inscrire sans rupture dans le paysage culturel et
géographique qui sera désormais le sien, le Japon des provinces
tranquilles qu'il choisit pour finir ses jours.
« […] m'accompagnaient alors, comme toujours mais de façon plus intense en ce jour de fête, le souvenir de ma sœur absente et le souvenir de mes mortes. A un moment donné, je me surpris même à esquisser un sourire, répondant ainsi à ceux, venus de loin, que j'imaginais m'être destinés […] »
Car il s'agit bien de reportages, de lettres d'un voyageur immobile publiées dans la presse portugaise et constituant de nombreux volumes un portrait du Japon des provinces, avec des portraits du peuple, des paysages, des habitudes culturelles ou religieuses, des faits de tous les jours inscrits dans le temps et constituant pour le regard extérieur un miracle quotidien, des résidents étrangers dont le ridicule est assez suave, et dont le rapport au Japon est pour le moins étrange : attaché à cette terre lointaine par quelque fonction diplomatique ou commerciale, l'étranger veut à toute force s'en défaire, retourner au pays, pour vite subir la magie nippone et vouloir revenir.... Moraes est nommé au Japon après une longue mission en Chine, consul intérimaire du Portugal en mai 1899 après de longues requêtes : c'est là qu'il veut finir sa vie. Et sitôt sa retraite possible, il rend ses mandats et même sa nationalité et reste pour ne plus se consacrer quà l'observation et à l'amour de cette terre antipodique.
« Les mousmés évoluaient, gracieuses comme toujours, chimères vivantes des plus séduisantes ; avec cette touche d'élégance particulière qui fait d'elles non seulement les femmes les plus charmantes de toute l'Asie, qui est immense, mais aussi du monde entier, qui l'est plus encore… »
Parfaitement inconnu des lecteurs français non lusophones, Wenceslau de Moraes trouve dans ce recueil présenté avec soin, une belle introduction à son œuvre encore à découvrir. Lisible par tous, voyageurs ou non, éris ou non du Japon éternel, d'une langue très agréable et fine, souvent drôle et acérée, ces récits comblent par leur intelligence et leur finesse. La suite est attendue avec la plus grande impatience.
Loïc Di Stefano
Winceslau de Moraes, O-Yoné et Ko-Haru, traduit du Portugais et présenté par Dominique Nédellec, Phébus, mai 2005, 139 pages,13,50 €
Rappelant par de
nombreux côtés le poète Victor Segalen en terre de Chine, Moraes n'est
ni touriste (terme qui apparaît en français dans le texte avec une
distance ironique et critique assez ferme) ni résident étranger gonflé
de quelque fonction, il se laisse oublier dans un quasi ermitage et
avance, nonchalant, vers l'âge où il pourra rejoindre en sa dernière
demeure celles qu'il a aimées. Car le Japon c'est surtout, d'abord, deux
Japonaises, O-Yoné qu'il épouse dès son arrivée, et Ko-Haru, sa nièce,
avec qui il vivra après le décès prématuré de son grand amour, et qui
décèdera assez vite également. L'ancien officier de la marine portugaise
se retrouve seul, en terre lointaine, habité des fantômes de ses amours
et de la terre natale où demeure sa sœur chérie, antinomique parce que
très urbaine :
« […] m'accompagnaient alors, comme toujours mais de façon plus intense en ce jour de fête, le souvenir de ma sœur absente et le souvenir de mes mortes. A un moment donné, je me surpris même à esquisser un sourire, répondant ainsi à ceux, venus de loin, que j'imaginais m'être destinés […] »
En fin observateur des choses
quotidienne, Moraes est habité par cette présence constante et amoureuse
qui donne une certaine mélancolie nimbée de beauté à ses récits,
manière de saudade lusitanienne à la mélancolie parfaitement maîtrisée
et qui sert, aussi, à l'auteur, pour le réalisme de ses reportages sur
les choses simples de la vie.
Car il s'agit bien de reportages, de lettres d'un voyageur immobile publiées dans la presse portugaise et constituant de nombreux volumes un portrait du Japon des provinces, avec des portraits du peuple, des paysages, des habitudes culturelles ou religieuses, des faits de tous les jours inscrits dans le temps et constituant pour le regard extérieur un miracle quotidien, des résidents étrangers dont le ridicule est assez suave, et dont le rapport au Japon est pour le moins étrange : attaché à cette terre lointaine par quelque fonction diplomatique ou commerciale, l'étranger veut à toute force s'en défaire, retourner au pays, pour vite subir la magie nippone et vouloir revenir.... Moraes est nommé au Japon après une longue mission en Chine, consul intérimaire du Portugal en mai 1899 après de longues requêtes : c'est là qu'il veut finir sa vie. Et sitôt sa retraite possible, il rend ses mandats et même sa nationalité et reste pour ne plus se consacrer quà l'observation et à l'amour de cette terre antipodique.
De ses notations, qui touchent tous les sujets, naît un
Japon des humbles, des petites gens, du quotidien, d'où se dégage une
idée générale assez belle de la vie de province. Des études plus
précises sur l'honneur, sur la belle-mère (un texte très cruel et
drolatique d'une grande saveur), sur les rites des morts, se mêlent à
des peintures plus directement émues, comme celle de la mousmée :
« Les mousmés évoluaient, gracieuses comme toujours, chimères vivantes des plus séduisantes ; avec cette touche d'élégance particulière qui fait d'elles non seulement les femmes les plus charmantes de toute l'Asie, qui est immense, mais aussi du monde entier, qui l'est plus encore… »
Parfaitement inconnu des lecteurs français non lusophones, Wenceslau de Moraes trouve dans ce recueil présenté avec soin, une belle introduction à son œuvre encore à découvrir. Lisible par tous, voyageurs ou non, éris ou non du Japon éternel, d'une langue très agréable et fine, souvent drôle et acérée, ces récits comblent par leur intelligence et leur finesse. La suite est attendue avec la plus grande impatience.
Loïc Di Stefano
Winceslau de Moraes, O-Yoné et Ko-Haru, traduit du Portugais et présenté par Dominique Nédellec, Phébus, mai 2005, 139 pages,13,50 €
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