Mue du matin en nuit américaine : Gabrielle Jarzynski  et Smith Smith.

                   

Traces, preuves, références, indices, legs, fragmentent ou plutôt composent le livre-plateau d’amour et de mort de Gabrielle Jarzynski  et Smith Smith. Le noir sur blanc des mots de l’auteure porte chaque pensée au bord d’un précipice : au lieu de s’y  perdre dans l’ombre, les peintures de Smith Smith y errent.

Proche de la lignée des poètes « objectivistes » américains, la créatrice s’en dégage pour faire du monde l’univers fantasmatique d’un romantisme sulfureux et noir. Ce qui ressemble à une traque existentielle monomaniaque engendre une route « souterienne » où le « je » devient convulsif et vulnérable. Usager des mots les plus simples, Gabrielle Jarzynski crée une poésie de l’extrême et  de l’urgence. Smith Smith semble en atténuer les impacts mais de fait – parce qu’elle est elle-même lardée d’impacts – la peinture devient le contre-chant du texte.

La matière poétique générée par Gabrielle Jarzynski n'est pas une simplification de la vie mais son approfondissement. Les mots s’embranchent selon diverses lignes de redistribution où la pensée elle-même s’étoile. Leur comment dire cache un comment ne pas dire le plus intime là même où pourtant tout s’atteint une violente acerbe. Existe donc une « belle » torsion du discours.

Le texte devient la nouvelle affirmation de la poésie lorsqu'elle accepte le risque de passer de l’endroit où tout se laisse dire jusqu’au lieu où tout se perd  en une fin de non recevoir. S’y extrapole par cristallisation nouvelle une forme de violence implacable. Elle ne sacrifie jamais à l’artifice si ce n’est celui d’une mise en scène programmée que Smith Smith nimbe de sa « nuit américaine ».

Jean-Paul Gavard-Perret 

Gabrielle Jarzynski et Smith Smith, « Un vendredi matin », A/Over éditions, 2017, 19 E..A noter ; exposition Gabrielle Jarzynski et Lucie Linder « La Mue », du 16 au 29 mars 2017, Point Éphémère, Paris.

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