Zombie latino

Quelque part en Amérique latine, dans la ville de Berazachusetts… Dora et ses copines sont des femmes mûres, revenues de tout et en particulier des hommes. Elles se baladent pour tromper leur ennui et tombent sur Trash, une jeune punk presque nue. Elles la croient victime d’un viol et lui portent secours. Mais Trash n’est pas qu’une punk, elle est aussi une zombie. Dora et ses amies l’acceptent (pas sectaires pour deux sous ces filles) et l’accueillent chez elles. Elles lui donnent même des doggy bag pour les plats humains dont raffole Trash (!). Commence alors pour ces femmes un voyage au bout d’elles-mêmes dans la ville de Berzachusetts, ville pleine de riches et de pauvres. Et quand les derniers cherchent à se rebeller et à prendre le contrôle de la ville, les premiers, eux, n’hésiteront pas devant les solutions plus radicales…

Tango littéraire

Difficile de bien résumer cet OVNI littéraire qu’est Berazachusetts. La postface rédigée par la traductrice laisse à penser que nous sommes devant une allégorie de l’Argentine et de la crise économique qui a ravagé ce pays à l’orée des années 2000 lors de la fin de la parité Peso/Dollar : elle ne fait que souligner une évidence ! L’auteur décrit très bien sur un ton à la fois satirique et amer la condition des argentins. Avec une crudité rare, il peint le cynisme des dirigeants argentins, en proie à une haine des pauvres qui démontre à quel point la lutte des classes, sans être un moteur de l’Histoire, existe bel et bien. Trash, zombie carnivore, est la véritable héroïne de ce conte moderne dont la fin, évoquant une catastrophe de dimension biblique, laissant le lecteur ahuri et impressionné. Nous sommes ici devant un livre inclassable, dont la lecture constitue une expérience cauchemardesque et psychédélique : un lecteur curieux se doit de dévorer un ouvrage pareil !

Sylvain Bonnet

Leandro Avalo Blancha, Berazachusetts, Gallimard folio sf, traduit de l’espagnol par Hélène Serrano, août 2013, 224 pages, 6,60 €