Note sur la suppression générale des partis politiques

"Le mal des partis politiques saute aux yeux, ne sont-ils pas même du mal à l'état pur ou presque ?"


Rares sont les petits livres aussi puissants que cette réflexion posthume de la philosophe Simone Weil (1909-1943), Note sur la suppression générale des partis politiques, d’abord publié dans la revue La Table Ronde (n° 26, février 1950) puis en livre dans le recueil Ecrits de Londres et dernières lettres (Gallimard, 1957), contrairement à la volonté d’André Breton qui souhaitait que ce court texte soit aussitôt publié en volume et qu’on en fît la plus large publicité possible. D’une rare lucidité et d’une intelligence accessible, cette Note se propose de montrer en quoi les partis politiques sont nuisibles et qu’il serait meilleur pour la société, dans un rousseauisme épuré de sa "naïveté", qu'il disparaissent.

 

De la nature même des partis politiques : "alliance entre le totalitarisme et le mensonge"

 

"Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres.

La première fin, et, en dernière analyse, l’unique fin de tout parti politique est sa propre croissance, et cela sans aucune limite.

[…] tout parti est totalitaire en germe et en aspiration."

 

Totalitaire ici s’entend en ce que le parti subsume à la volonté de chacun des membres qui le composent sa volonté propre, formant une totalité d’où l’aspiration individuelle est chassée. Or le parti politique doit être un moyen d’atteindre à une fin meilleure, à un épanouissement collectif par l’application d’une doctrine donnée. Si donc la fin est niée au profit seul du moyen, alors le moyen devient la fin propre au parti et tout le reste est nié. Car l’inversion de la fin et des moyens fait que le parti, dans sa volonté propre d’expansion, considérera qu’il est doctrinaire car il impose aux humains qui lui abandonnent leur propre volonté une volonté collective qui ne vise plus le bien commun comme aboutissement mais le bien propre du parti comme bien ultime. C’est un bien particulier, déterminé par une cause externe au moyen d’instruments qui ne dévient l’idée du bien commun en bien propre. Les exemples sont légions d’une actions réalisée par un parti pour son bien propre contre l’intérêt supérieur de la société.

 

"Il y a dès lors idolâtrie, car Dieu seul est légitimement une fin pour soi-même."


Simone Weil n’entrevoit aucune possibilité de changement dans sa nature propre du parti politique. Elle espère cependant qu’on puisse voter un jour pour un homme libre de toute compromission et qui se présenterait pour défendre tel ou tel projet, considéré comme un rapport particulier au monde, et sans être inféodé à un appareil politique.


"Il est douteux qu’on puisse remédier à cette lèpre, qui nous tue, sans commencer par la suppression des partis politiques."

 

Cette réflexion, tragiquement d’actualité alors que les partis politiques dans leur forme traditionnelle font une résistance doctrinaire quitte à défier la société même qu’ils souhaitent présider, mérite d'être proposé en texte fondateur de toute étude politique sérieuse.

 

 

 

Loïc Di Stefano

 

 

Simone Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques, précédé d’un avant-propos de Jacques Julliard, préface d’André Breton, postface d’Alain, Climat, mars 2017, 77 pages, 6 eur



Aparté immédiatement contemporain 


On voit bien dans les exemples contemporains que le parti politique tend à soutenir un homme contre la société, et sans forcément remonter au cas Adolf Hitler, qui subsume tous les vices du système des partis politiques, les machines politiciennes devenues outils pour contourner la volonté collective telle qu'elle s'exprime dans l'équilibre sociétal séculaire deviennent des moyens inversés à la proportions de fins. Et si l'on veut que la société applique le Bien, qui est la seule vraie fin, et pour cela qu'elle s'en prenne à un homme mis en haut de son parti, ce n'est pas en prétendant dresser le parti contre la société qu'on pourra remédier aux troubles et réorienter la société vers le Bien. 

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