Le p'tit dernier, pour la route

Ayant reçu hier le faire-part de l'imminente disparition du Salon littéraire (30 juin), voici, pour finir, la brève recension d'un ouvrage traitant justement de...cimetières !
Chacun d’entre eux se trouvant fort heureusement à mon goût, c’est-à-dire encore et avant tout à mesure humaine, si j’ose écrire ; et tous, par bonheur, implantés de surcroît dans le périmètre d’un pays pour moi de rêve depuis toujours, que j’affectionne plus que tout autre, et pour cause : j’y suis né et, très tôt, j’ai choisi d’y vivre, espérant aussi y mourir !
Alors, si vous le voulez bien, chers lecteurs, allons maintenant de ce pas profiter tous ensemble de cette pérégrination sous les chaleureux auspices et dans l’amicale complicité de nos deux compères auteurs : d’un cimetière bas-alpin à l’autre, de telle tombe à telle chapelle ou à tel simple tumulus, et de nouveau en quête d’une allée à une autre…
Ce faisant, Glissez mortels, n’appuyez pas !, car nous n’avons absolument rien à craindre, bien au contraire, de parcourir ainsi en excellente compagnie de tels lieux où de belles leçons de vie, de philosophie et de sagesse, en vérité, nous attendent !
Sans doute est-ce pour cette raison que la mort elle-même ne me semble pas constituer le véritable sujet du présent opus, ne pas en détenir non plus le monopole, mais en constituer plutôt davantage le rideau de scène, la toile de fond devant laquelle de bien des manières, avec un art exquis parfois, s’y anime et s’exprime, s’y manifeste, irréductible, l’immémorial sens du sacré. Et, partant, celui de l’ontologique dont, à l’époque contemporaine, nous nous sommes en fin de compte si gravement et si dangereusement éloignés.
Pour leur part, la pure fantaisie, l’irrévérence profane, l’humour, ou tout bonnement l’honorable souci d’une simple ornementation, tiennent également un grand rôle en ce même riche décorum plus métaphysique à mes yeux qu’étroitement mortuaire.
Cela mis ici bien en évidence et en valeur à travers les découvertes, les trouvailles et – nombreuses photographies à l’appui – les commentaires chaque fois ad hoc des deux auteurs qui nous sauvent ainsi avec force de toute éventuelle distraction ou superstition parasite.
Inexorable, la roue du temps sans cesse accomplit son œuvre et, que nous soyons croyants ou incroyants, riches ou pauvres, criminels ou cœurs d’or, petits cons de la dernière averse ou vieux cons des neiges d'antan, nous nous retrouvons en général tous là un jour ou l’autre, chacun réduit en poudre ou à l’horizontale entre les quatre planches d’un cercueil déposé dans l’enceinte d’un cimetière nouveau, ou ancien campo santo.
Et nous y voilà d’abord tout naturellement vite rongés jusqu’à l’os puis tombant alors par la suite très lentement en poussière, comme si finalement de rien, ni surtout de chacun de nous-mêmes, jamais quoi que ce soit n’avait été.
Tandis qu’à l’étage au-dessus, à l’air libre et à la lumière, que ce soit à ciel ouvert ou dans l’exiguïté d’une chapelle, ce ne sont qu’inscriptions, gravures, couronnes de faïence ou de perles, vases historiés et statuettes de toutes formes et de toute nature, idéogrammes, sculptures polymorphes monumentales ou minuscules, en molasse recouverte de stuc, en marbre blanc, ou de diverses teintes, en granit ou pierre vive.
Floraisons aussi d’épitaphes étonnantes, spirituelles citations, faisceaux de symboles et de figures emblématiques au premier abord souvent hermétiques, mais se révélant finalement pleins d’opportuns et riches enseignements à demi-mot, religieux ou philosophiques : merveilleux et précieux ingrédients, entre tous, de toute vie spirituelle.
Une remarque s’impose ici tout à coup, au passage, à mon esprit en chasse : ne voilà-t-il pas là le tout dernier bastion de résistance où l’on ne rencontre pas (encore ?) le moindre panneau publicitaire ?
Lieu idéal aussi, où, la poésie aidant, le cœur des vivants, celui-là même des morts, affleure, ou s’épanche plus ou moins, c’est selon.
Tout cela étant non pas présenté en un vulgaire étalage, mais à partir d’un choix très sélectif venant à l’appui, ou en illustration des textes.

André Lombard

Article connexe : Annick de Souzenelle : Méditation sur la mort

Marc Jean & Dominique Lagenèbre, Découvertes poétique de cimetières en haute Provence, éditions du Bon Moment, juin 2024, 120 p.-, 15€+ 6€30 de frais de port. ISBN 978-2-9576633-1-6

Commandes auprès de :
Marc JEAN,
770 chemin des Près de Fougères, 04300 Forcalquier

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.