Stéphane Bourgoin et le dossier Dahlia noir

Quand le cas criminel est aussi célèbre que le Dahlia noir, source de tous les fantasmes depuis plus de cinquante ans et d'un des plus grands romans de James Ellroy, et que l’enquêteur n’est autre que le meilleur spécialiste des tueurs en série Stéphane Bourgoin, on est en droit d’attendre le meilleur. Bourgoin (ou son éditeur) est-il présomptueux en annonçant d’emblée qu’il va mettre à mal toutes les théories parues jusqu’ici et toutes plus ou moins farfelues, et qu’il dispose d’un document jusque là inédit à l’aune duquel juger toutes les théories et conforter la sienne ? Peut-on vraiment résoudre l’énigme du Dahlia noir qui hante enquêteurs, journalistes, romanciers et lecteurs depuis ce sinistre 15 janvier 1947 ?

 

Il faut avant toute chose reconnaître en Stéphane Bourgoin un grand enquêteur et la force d’une persévérance incroyable. Il est aussi capable de reconnaître ce qui le dépasse ou ce dont il n’a pas la réponse, ce qui est aussi une grande qualité. Après vingt ans d’une investigation quasi obsessionnelle, des centaines de cas étudiés, tous les livres lus et la plupart des protagonistes interrogés, Stéphane Bourgoin est conduit, à partir non pas du dossier d'Elizabeth Short "Le Dahlia noir" mais de séries de meurtres non résolus, à poser sa propre conviction sur le meurtre le plus célèbre des Etats-Unis. Pour Bourgoin, le crime est celui du « boucher de Cleveland » qui découpait, décapitait et pour partie sodomisait ses victimes post mortem, hommes ou femmes indifféremment, et dont on retrouve les traces dans de nombreux crimes plus odieux les uns que les autres et qui, tous, portent sa marque. Tous les crimes sont détaillés un par un, tous sont contextualisés, et lentement — parfois pour ce qui semble des digressions mais au final s'avèrent très utiles pour comprendre — tous les fils se rejoignent au portrait final que Bourgoin dresse du tueur.

 

Le criminel est une femme ? Bourgoin se « contente » de son intime conviction, et élimine cette hypothèse un peu rapidement. Le criminel est un médecin légiste ou un employé d’une morgue ? L’hypothèse n’est pas plus retenue. Le récit de Steve Hodel, qui accuse son père, est démontée avec sérieux car c'était jusqu'alors la plus plausible. Et Bourgoin passe ainsi en revue toutes les hypothèses dont la plupart sont rejetées après confrontation avec les faits et des documents aussi rare que le procès verbal d’autopsie dont l’accès est réservé à quelques happy few. 

 

La théorie de Bourgoin est qu’Elisabeth Short a été la victime du tueur en série Jack Anderson Wilson, mais il reste plus modeste que son éditeur en prévenant : « Avec ce livre, je ne prétends pas détenir la vérité absolue mais d’avoir mis à jour un faisceau de présomptions qui, toutes, pointent vers le même individu » identifié par sa taille imposante, ses déplacement géographiques, ses connaissances anatomiques et ses passions morbides. Bourgoin met à notre disposition un matériel et une iconographie incroyables pour asseoir sa propre conviction, et la rendre très crédible. 


A lire comme un polar, cette enquête minutieuse va sans aucun doute figurer comme un pilier incontournable dans les annales des histoires criminelles. 

 

Loïc Di Stefano

 

Stéphane Bourgoin, Qui a tué le Dahlia noir ?, Ring, "Murder Ballads", octobre 2014, 480 pages, 22 eur



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