L'affaire du Dahlia noir élucidée par Steve Hodel ?

Quand il prend sa retraite, l'Officier du LAPD (1) Steve Hodel se croit rangé des affaires. Quelques dossiers comme Privé et c'est tout. Mais son père, personnage énigmatique, meurt, et lui lègue une bien désagréable surprise : il est l'assassin le plus recherché de la seconde moitié du XXe siècle, Jack l'Eventreur est son cousin.

D'entrée, cette enquête minutieuse et percutante qui se lit comme un roman (2) pose le coupable, Georges Hodel, surdoué en tout, médecin au parcours d'aventurier moderne incroyable : il a exercé tous les métiers avant d'avoir vingt ans, parcouru le monde, est reconnu partout comme un homme brillant et accumule les succès féminins, épouses et enfants. Mais il est des certitudes contre lesquelles il ne faut pas se battre, il faut juste tenter de les regarder en face. Par l'accumulation de preuves, de pièces à conviction accablantes dont la totalité sont données dans l'iconographie très riche, et par le tissage d'un réseau confondant de faits, de témoignages et d'éléments indubitables, le fils de l'assassin établit la culpabilité de son père. A lire notamment une incroyable étude graphologique qui cloue sur place tous les dubitatifs... Et ce n'est pas tout.

Dans ce parcours, c'est une incroyable histoire familiale qui s'expose, par le menu, l'auteur veut non pas poser le doigt sur le criminel mais reconstruire le portrait complet de son père, aussi hideux soit-il, ce père qui s'est tenu éloigné de tous par sa morgue et son égoïsme. Apparaissent aussi la fratrie éclatée, une histoire du comportement des journalistes et des moeurs... Mais c'est aussi l'environnement, dans lequel Man Ray et John Huston ne sont pas de lointains figurants ; au contraire ils prennent part à la sarabande infernale : le Dahlia noir serait une offrande à l'oeuvre de Man Ray qui avec Huston, entre autres, participent à des agapes érotiques sur mineurs (dont la fille de leur hôte Georges Hodel). Bref, de vieux pourris qui gravitent dans les milieux hollywoodiens et jouissent d'une quasi-impunité.

D'autant que l'enquête du fils met à jour un grand nombre d'étrangetés dans les dossiers du LAPD, indices évidents non retenus, témoignages clés évaporés, pièces à convictions non étudiées (3), comme si ce service de police savait tout mais préférait ne rien dire. Le LAPD est en pleine mutation à cette époque, entre la mauvaise réputation des flics pourris (sorte d'organisation criminelle régularisée par l'habit) et les nouveaux enquêteurs modernes et porteurs des valeurs du Droit. C'est aussi cette histoire, celle d'une police en évolution, qui est donnée à lire ici. Evolution qui passe malheureusement par un cloisonnement des services et une guerre intestine, si bien que les dossiers auraient pu se recouper...

Carr il y a des dossiers. Le papa et ses amis sont très fortement impliqués dans d'autres affaires, et le mot de tueurs en série est lâché. Au fond de la perversion humaine, le beau médecin qui drague en habits militaires a sans doute taquiné le Diable.

Une enquête proprement captivante, qui renvoie à leurs chères études bon nombre d'auteurs de polars dont les fictions les plus noires n'atteignent pas à cette incroyable amas d'horreurs bien réelles, à cette vérité humaine du mal.

James Ellroy, lui-même, maître du noir des âmes, en est resté coi, sinon pour dire dans la préface qu'il est enfin reposé de savoir son propre fantôme envolé.

L'édition de poche donne en sus un "complément d'enquête" qui écrase encore un peu plus le lecteur sous l'amas de preuves et de charges contre les coupables et les forces publiques, le LAPD ne pouvant plus faire silence tant son implication est grave et prouvée.

Loïc Di Stefano

(1) Los Angeles Police Department

(2) Peut-être est-ce pour ça que cette enquête se trouve par l'éditeur rangée au rayon « roman » ?

(3) Par exemple, une montre de type militaire est retrouvée sur les lieux du crime, et aucune investigation n'est menée pour remonter à son propriétaire...

Steve Hodel, L'Affaire du Dahlia noir, Seuil, « points Policier », septembre 2005 (1re éd. française octobre 2004), 761 pages

4 commentaires

Steve Hodel, L'Affaire du Dahlia noir, Seuil, "points Policier", septembre 2005 (1re éd. française octobre 2004), 761 pages dans lequel l'encien enquêteur révèle et prouve qu'il s'agissait de son père. M. Bourgoin présente un suspect potentiel, qui en tout cas n'a jamais été condamné pour meurtre, si je lis bien la critique. Et si Gilmore en a parlé en 1970, pourquoi ni James Ellroy (qui accorde toute sa confiance à Steve Hodel) ni ce dernier n'en ont jamais parlé?

un milliard d'excuses, je répondais à la critique du livre de Bourgoin, qui aurait à son tour résolu l'énigme par le genre "y quelqu'un qui m'a dit"

La critique du livre de Bourgoin arrive, ne vous inquiétez pas. On verra comment il entend démonter les preuves de Hodel dont les conclusions sont assez séduisantes.

ON ne peut démonter les preuves de Hodel ; il suit sont père pas à pas ; il détient tous les éléments de sa culpabilité et de sa folie. J'ai lu le livre de Hodel : rien à redire : tout y est...  et son père est le diable en personne. Sans a priori il l'a suivi depuis son enfance de petit génie à qui rien n'est refusé jusqu'à son ascension (si l'on peut dire) de grand criminel qui tient la police de L.A. par les c... Ils participaient aux partouzes qu'il organisait et si l'un d'eux tombait tous tombaient. j'ai lu et relu ce livre (à la fois horrifiée et admirative de ce fils qui mène son combat jusqu'au bout), sans jugement, en apportant des éléments irréfutables. Ce livre, je le relirai, car les monstres les plus horribles se cachent parmi nous, au coeur de nos familles et ceci tellement d'enfants abusés le savent, ces enfants que l'on ne veut pas entendre car "ils affabulent" et finissent par le croire eux-mêmes ; quand enfin ils se rendent compte que tous leurs maux proviennent de ce qu'ils ont subi, la prescription tombe, imparable ! nous sommes une société  de monstres gouvernés par des super-monstres manipulateurs. Souvent la victime mène une vie atroce, rejetée par sa propre famille "ne voulant pas être éclaboussée" ; victime sans revenus ou presque, à moitié autiste, et finalement soignée dans des hôpitaux psychiatriques dont les soignants sont souvent admirables ; pourtant certains d'entre eux devraient porter la camisole tant ils sont durs froids, bourrés de préjugés...Il est tellement pratique de charger une victime qui peut difficilement se défendre, et de laisser courir d'affreux criminels lesquels comme dirait le Christ, "ne savent pas ce qu'ils font" (je sais de quoi et de qui je parle) et n'éprouvent, en cette vie, aucun remords... C'est pourquoi il est si important d'éduquer nos enfants et de les écouter...