Le manuel d'émancipation de Mathias Richard

Diction de diverses expériences existentielles de leur auteur, ce livre-somme en ses divers sabirs se veut le langage de l'émancipation par son invention verbale. Certes nous sommes encore loin des glossolalies d'Artaud ou de l'inhumanité du verbe de Guyotat, néanmoins face aux servilités communes une rythmique et un renouveau du vocabulaire sortent la poésie – sous diverses formes – de son caveau.
En des modulations de "genres" différents - du chant à une forme de réaliste moins descriptif que destructeurs – des textes tels que Mission ou En transformation – mettent le cap non au pire mais sur un autre mode de surgissement du réel en langue.
En d'autres temps cela aurait pu s'appeler une méthode paranoïa-critique. Matthias Richard la réactualise. Chacun peut n’en rien vouloir entendre, n’en rien partager. Mais un tel corpus nous éclaire, même si nous avons vécu des expériences moins violentes que les entraves subies par l'auteur et qui nourrissent son livre.
Celles et ceux qui sont "au monde" et qui sont forcés de lui appartenir corps et âmes ont face à eux et elles une ou des "catégories" de langues qui sont autant de propositions de rotations de nos données immédiates de notre conscience.
De ces hybridations s'élève un appel à la résistance, à la confrontation au présent et à ce qui arrive. Bref Matthias Richard ose une voix où s'entend un "ça pense" à chaque page. Existe en conséquence une épopée en fragments contre la réification en une saine colère où l'écriture se retrouve en tous ses états. Se crée l’affirmation d’une différence, d’une singularité séparée de la horde docile.

Jean-Paul Gavard-Perret

Mathias Richard, A travers tout, Tinbad, septembre 2022, 428 p.-, 30€

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.