Dans le peloton de dessinateurs inspirés – et non des moindres : Rodin, Bourdelle, Dunoyer de Segonzac – ayant représenté ou même saisi sur le vif la grande Isadora Duncan en pleine gloire, il en est un dont le nom n’apparaît nulle part, pas même dans Ma vie son autobiographie parue, en 1927, l’année de sa mort accidentelle.

Pourtant, au nombre d'une bonne cinquantaine, ses admirables dessins et esquisses le prouvent, Lucien Jacques qui fut un temps, en 1920, son secrétaire – et même, dit-on, un peu plus – s’est bel et bien trouvé aux premières loges lors de ses créations – sortes de happenings avant l’heure pour certaines – par lesquelles, sacrifiant quelque peu pas et figures classiques à une plus grande liberté d’expression, l’artiste renouvela finalement l’art de la danse via davantage de spontanéité comme de présence charnelle pour – sans autre attribut à l’appui, la plupart du temps, qu’un mince voile ! – incarner avant tout sur scène un ici et maintenant très personnel : Mon art est précisément un effort pour exprimer en gestes et en mouvements la vérité de mon être.
Dessiner en direct une telle danseuse de génie à l’œuvre, quel défi mes amis !
Mais rien d’étonnant à ce qu’un tel dessinateur ait tout particulièrement réussi puisque la spontanéité créative était bien le point fort du talent de Lucien, celui par lequel il se sentait par nature le plus à l’aise et donc le plus efficace ; ses œuvres s'en trouvant, par conséquent, d'autant plus artistiquement justes et expressives.

En même temps qu’elle dansait au présent, il la dessinait de même pour toujours ; tandis que, l'une et l'autre audacieuses, les deux créations ne font aujourd'hui, et comme un peu surnaturellement, à jamais plus qu’une sous nos yeux !

André Lombard

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Lettre à Lucien Jacques
Isadora Duncan : carrière, vie privée… Biographie d'une danseuse anticonformiste 

Lucien Jacques, Dessins et gravures, aux Éditions des Amis de Lucien Jacques, 265 p.-, 32€