Lettre à Lucien Jacques

Bien cher Lucien,

la toute récente annonce, par l’AALJ, de vouloir consacrer son prochain bulletin numéro 19 à un choix de lettres parmi celles, nombreuses et variées, que tu as reçues tout au long de ton parcours d’artiste me donne tout à la fois l’idée, l’envie et le prétexte, de t’en écrire pourquoi pas moi-même tout de suite une petite, au passage, ici même.

Une petite lettre qui puisse cependant, j’ose en tout cas l’espérer, atteindre en toi – forcément en retardataire certes, mais cela qu’importe, au fond, puisqu’il ne me semble pas pouvoir y avoir un jour prescription en le domaine - l’esprit toujours vivace du créateur multiforme dont l’œuvre à la fois aérienne et terrestre, terrienne plutôt, n’a jamais cessé de m’apporter, me faire goûter et apprécier – en dehors de tes rudes souvenirs de guerre, évidemment – maints plaisirs subtils alliés à un solide réconfort intérieur par le généreux partage d’une certaine claire et lumineuse vision du monde.
Celle-ci – entre toutes, innombrables – fort artistiquement originale parce qu’avant tout très sincère autant que bien personnellement mise en œuvre et individualisée en ses divers genres.

Message donc en forme d’hommage reconnaissant que le mien aujourd'hui ; car, dis-moi, en effet, quel miracle continu, cher Lucien, que celui de toutes ces aquarelles alors une à une jadis inventées sur–le-champ, chaque fois comme improvisées en un rien de temps, quasiment à la vitesse du premier regard, parfois du clin d'œil, tout de suite réalisées en un tour de main !
Miracle aussi, n’est-ce pas, que celui montant des profondeurs de l’encre imprégnant chaque fois à cœur chacun de tes bois gravés, miracle que la musique légère ou grave de tes poèmes, et tant de lestes dessins eux-mêmes délicatement enlevés ; autrement dit, miracle constant, étonnant, que toute cette enthousiaste célébration du vivant ayant eu lieu chez toi tout en s'y manifestant de bien diverses manières, par divers moyens, choisis, élus, bien appropriés selon le sujet.
Cela – un ravissement ! –, en efficace contrepoids à tout le reste, à l’autre versant trop souvent brutal, sombre et tragique, hostile, dégueulasse, parfois même tout simplement banal ou dérisoire, de l’aventure humaine.

En artiste véritable, c’est bien là, reconnaissons-le, un authentique héritage spirituel à faire prospérer que tu nous lègue à toutes et à tous, celles et ceux qui en ont eu, en ont ou en auront connaissance – au cours d'une réunion, à l'occasion d'une expo ou l'imprévu d'une rencontre – et, pour le moins, en sont ou en seront plus ou moins profondément atteints et remués en leur for intérieur.

En ce même sens, puisse la présente modeste épistole matinale s’inscrire - comme toutes celles que tu reçus autrefois - radicalement en faux contre toute forme d'éventuelle indifférence ou d’oubli envers toi comme à l'égard de ton œuvre multiple.
Et puisque, rien que par vous-même déjà, vous gagnez bien sûr tous les deux grandement à être connus, je vous donne mon billet qu'un public de plus en plus large ne peut aujourd'hui lui aussi que grandement gagner à vouloir de mieux en mieux vous connaître l'un et l'autre !

Maintenant, cher Lucien, ainsi que le disent si joliment les provençaux au moment de se quitter ou, comme c’est ici et maintenant le cas, de clore et signer une lettre : Au cop que ven, e se ven pas, l’anaren quiere !


André Lombard

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