Giono au Contadour : Le pain d'étoiles, enfin réédité

Le Pain d'Etoiles

Avec une poignée de camarades, j'ai mordu dans ce Pain d'étoiles à pleines dents à sa première parution en 80, et pour cause : nous étions familiers des lieux et inversement. En effet, de fréquentes randonnées par là-haut nous faisaient souvent – combien de fois ! – échouer au fameux moulin – la maison meunière en fait – dont, par avance, nous demandions par téléphone la clé à André Marie Merle pour y passer la nuit et encore la suivante. Ou bien spontanément, en frappant directement à sa porte à l'improviste. Jamais refusée, pas une seule fois. 

Non seulement, car lorsque nous revenions, au soir, de notre marche jusqu'aux Omergues ou en direction de La-Grange-de-La-Roche, un feu clair dansait pour nous dans la cheminée noire à souhait – entre nous soit dit, quel accueil ! – préparé et allumé par les bons soins de son fils André selon l'esprit des lieux. 
Nous passions la nuit entière devant, devisant à la lumière des flammes... refaisant le monde à notre façon tout en mangeant et trinquant au présent.

Il y avait une vibration particulière dans cette pièce minuscule à ras du sol, une imprégnation flagrante, quoique subtile, une charge émotionnelle invisible mais enveloppante, un ferment, un levain dans l'air ; les fresques de Lucien Jacques s'y animant suivant le mouvement des flammes, comme pour y exercer et fortifier ensemble notre pouvoir d'imagination. Jamais, non plus, les filles ne m'ont paru si belles qu'en ce lieu en pareilles heures quelque peu hors du temps.

Il y a là, entre autres peintures à la fresque, trapu, L'Arbre de vie, dans un angle, et une frise qui, elle, court sur tout le tour de la pièce comme une guirlande perpétuelle. Faisan, écureuil, huppe, serpent, hérisson, tout le bestiaire contadourien y passe ! Une niche pour le tabac aussi, ornée d'une pipe dont la fumée s'échappe et circule, les quatre mains, sur un blason, soudées entre elles.

Le jour finissait toujours par nous surprendre sans que nous n'ayons, parfois, pas encore fermé l'œil.

Plus tard, bien plus tard, en juillet 2011, après avoir fait halte à la première expo Fiorio posthume aux Amis des Arts de Reillanne, nous y sommes montés en groupe avec l'Association des Ateliers de Gordes. Claude-Henri Rocquet y a pris la parole pour évoquer le Giono en verve au coin du feu environné de toutes parts, ranimer à sa façon la flamme en nous lisant, avec le grand talent oral qui lui était propre, quelques poèmes choisis de l'humble Lucien Jacques.

André Lombard

Alfred Campozet, Le pain d'étoiles, éditions La Thébaïde, mai 2020, 150 p-, 20 euros

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