Denis Lapière & Olivier Grenson, "La Femme accident"
Julie a toujours été seule. Déjà enfant, elle n’avait pas d’amies et rôdait, dans la ville minière, avec une bande de garçons. Elle n’avait pas sa place chez sa mère et essayait de se réfugier chez ses grands-parents.
Et
puis, c’est la découverte de l’amour avec Théo, le fils du
mécanicien. Mais comme elle est belle ...et peu farouche, elle est
très sollicitée. Elle va de cœur en cœur, de corps en corps, mais
revient toujours à Théo. Elle s’installe avec lui, chez son père.
Elle se retrouve enceinte. "Un petit accident", déclare le
père de Théo, avant de vouloir la faire avorter. L’incompréhension
s’installe, les disputes, la jalousie. Théo en vient aux coups,
jusqu’à cette lutte, jusqu’à cette escalade...
Denis Lapière porte ce personnage depuis plus de treize ans, depuis qu’il a été interviewé par deux détenues de Fleury-Mérogis, pour la radio qui diffuse en interne. Il prend conscience, en visiteur, de l’univers carcéral et de sa pesanteur. Il imagine qu’il n’y a que deux façons de survivre, soit s’imposer, soit : se réfugier dans l’introspection la plus intime... Denis Lapière s’engage dans un huis clos intense où son héroïne, accusée de meurtre, se retourne vers son passé pour supporter le présent. Il mène conjointement une réflexion sur l’importance de l’enfance, sur la construction d’un être humain en perpétuelle recherche d’identité, de tendresse, d’amour.
De nombreux essais n’avaient pas abouti. C’est avec la seule
complicité d’Olivier Grenson que le projet a pu voir le jour.
Celui-ci était-il le seul dessinateur à pouvoir donner vie à cette
héroïne ? Aujourd’hui on a du mal à imaginer quelqu’un
d’autre !
Si initialement, l’héroïne était bretonne,
elle est ici originaire de Charleroi en Belgique, sous l’impulsion
du dessinateur, qui souhaitait retrouver ses racines, le temps d’une
histoire.
Il en résulte un album qui génère le sentiment d’un
reportage, d’une réalité tangible. On quitte presque la fiction
sur les talons de Julie. Le travail aux couleurs directes y est sans
doute pour beaucoup, conférant aux personnages spontanéité
graphique et vérité aux décors.
Cette première partie est émouvante, pleine de fureur et de tendresse - un premier volet marquant, avec cinquante-six planches remarquables et un cahier de seize pages de croquis, études et recherches.
Habituellement, c’est celui qui fête son anniversaire qui reçoit des cadeaux. Mais pour ses vingt ans, Aire Libre comble ses lecteurs !
Serge Perraud
Denis Lapière (scénario) & Olivier Grenson (dessin), La Femme accident - Première partie, Dupuis coll. "Aire Libre", mai 2008, 60 p. - 14,00 €
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