« O’Boys III – Midnight Crossroad » : la découverte du blues avec les yeux d’un enfant par Cuzor et Colman.

1934. Dans un train. Deux garçons, Huck et Suzy, roulent vers leur Memphis. Le plus jeune des deux souhaite honorer son serment : sauver Charley Williams de la corde. Son ami noir l’a en effet, d’après les rapports de police, assassiné. Sauf qu’Huck – enfant un peu turbulent ayant été abandonné après la mort de son frère à la DDASS de l’époque et donc à une famille d’accueil – est bien vivant et que la scène de crime qu’il a organisé n’avait pour objectif que de faire passer son alcoolique de père pour un assassin, non son ami. Mais dans le pays de la liberté, il ne fait pas bon d’être noir à cette époque.

Cependant, les policiers recherchent aussi le nègre et l’enfant. L’un est nécessaire à la carrière du shérif, l’autre n’est soit qu’un fantôme, soit qu’un témoin gênant à éliminer : après tout, l’enfant est officiellement déjà mort… Sauf que voilà, Charley, guitariste de talent, est introuvable. Lui qui joue sans ses doigts – d’où son surnom « Lucius no Fingers » – semble avoir disparu dans la drogue qu’il prenait. Personne ne le retrouve : ni Huck, ni les flics, ni son producteur… Un fantôme, tout simplement !

En arpentant les rues de Memphis, peut être Huck découvrira-t-il la vérité sur Charley. Et pourquoi pas celle concernant Suzy, son ami ? Et puis sur les filles en générale ?

 

Midnight Crossroad est le troisième et dernier tome de la série O’Boys. Un Western comme on n’en fait pas : sans pistolet (sauf ici ou là), sans indien, sans duel… Sauf qu’il y a un shérif, des trains, des noirs, de la guitare, un voyage sur le Mississipi et surtout une ambiance comme il est possible d’en trouver dans les meilleurs films de Western spaghetti. Le voyage initiatique d’Huck arrive ici à son paroxysme : nous quittons les trains du deuxième tome pour nous figer dans une ville et intégrer cette époque post 1929…

La drogue est aussi présente dans cet épisode : comment en effet parler de la musique sans lui associer son pire créateur/prédateur ? Et cela s’entend en lisant cette BD : chaque planche respire un air de blues ! Tout musicien sera charmé par ce tome. Et tout néophyte sera entraîné vers ce style de musique si particulier qui marqua le début du XXe siècle ! Mais cependant l’histoire conserve en elle-même la noirceur du monde, de manière plus ou moins directe. Heureusement, le héros étant un enfant, il reste tout de même plein d’espoir !

 

Le dessin de Stéphan Colman donne parfaitement vie à cette ambiance, mi-humoristique (notamment la scène du cirage) mi-dramatique (le final dans le théâtre) où les gens tentent de vendre leur âme au diable pour obtenir le succès dans leur espérance : devenir une star, retrouver un ami, arrêter un meurtrier… Le scénario  de Steve Cuzor offre une panoplie de personnages marquants, chacun agissant avec un objectif précis. Mais au final, une seule chose compte : que Huck grandisse ! Et cela, s’est indéniable lorsqu’on referme le dernier tome de cette trilogie.

Sauf qu’il ne sait toujours pas pourquoi les filles ont mal au ventre !

 

Pierre Chaffard-Luçon

 

Steve Cuzor & Stéphan Colman, O’Boys III : Midnight Crossroad, Dargaud, avril 2012, 54 p. – 13,99 €

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