Si « prendre la porte » revient à sortir, de manière plus ou moins virile et/ou énervée, « d’une porte l’autre » n’est pas réellement une expression consacrée. Et pourtant Charles Aznavour – qui appartient à ces artistes dont toute présentation relève à la limite de l’insulte, quand bien même ses airs sortent parfois du bout des lèvres de personne n’arrivant pourtant pas à le nommer – a choisi ce titre pour un ouvrage paru en septembre.

Mais à voir cette couverture, en connaissant les habitudes des artistes manquant parfois d’humilité, nous aurions envie de remplacer ces mots par « de la vie à la mort », « de la pauvreté à la célébrité » ou « ma vie, mon œuvre » ?

Cela serait bien loin de ce petit livre de 150 pages, simple par sa couverture ou son approche. Car l’homme nous offre un texte qui couvre sa vie en toute simplicité et nous laisse ses réflexions sur des sujets où, parfois, nous ne l’attendons pas. Le Figaro y voit un « joli texte délicatement testamentaire ». Diantre ! Voilà notre chanteur déjà envoyé dans la tombe ou tout du moins à la porte de celle-ci. Certes, il n’est pas dans sa toute jeunesse, mais de là à le voir froid…

Il ne nous a cependant jamais semblé aussi agile de ses mots et de son esprit. Même si l’ensemble est loin de la rigueur scientifique : « Chers lecteurs, comme vous êtes sur le point d’ouvrir ce peut opuscule, je vais vous faire un aveu : je suis brouillon. Depuis toujours, j’ai beau ranger mes livres et mes affaires, remettre mes idées en place, il n’y a rien à faire. Je ne sais pourquoi ni comment, je les retrouve chaque fois dans un indescriptible mélange. Ainsi, lorsque j’écris, je saute d’un thème à un autre avec désinvolture, pour revenir plus loin au même sujet » nous dit-il simplement, dans son prologue.

Il part à droite, revient à par la gauche, nous parle de son enfance alors même qu’il a ouvert son chapitre sur sa première entrée – à un âge quelque peu avancé – dans une université. Nous raconte comment il a retrouver la maison de ses parents en Arménie tout en parlant de sa foi…

Et l’ensemble est servit par une plume des plus douces. A dire vrai, les yeux coulent sur le texte et sa poésie sans même sans rendre compte. A croire que nous n’avons pas lu un livre mais écouté un homme nous parler en tête-à-tête. Charles Aznavour est entré dans une petite bibliothèque, à ouvert les rideaux et, pour le premier jour du reste de sa vie, a décidé de partager avec son lecteur, son expérience.

 

Plus qu’un livre sur sa vie, comme une biographie, Aznavour signe un ouvrage de vie.

Pierre Chaffard-Luçon

Charles Aznavour, D'une porte l'autre, septembre 2012, Points, 5,70 €, 168 p.