L'usine : Kafka made in Japan

L’Absurdistan décrié par nos amis Allemands n’est pas l’exclusivité de la France. Si la lutte contre la Covid-19 a vu tout et n’importe quoi se faire, c’est en partie parce que nous n’avons rien anticipé.
Or au Japon, on pense à tout. Tout est régi, codé, structuré. Même les plus petites tâches. Comme détruire les documents sensibles à la broyeuse. Ou gérer les mousses sur les toits végétalisés. Ou corriger des notices manifestement sans intérêt. Voire… Ainsi en est-il de l’Usine. Lieu stratégique par sa puissance économique. Lieu magique par son ballet d’employés portant dress-code et ruban coloré autour du cou. Une couleur, une fonction. Certains habitent même in situ. L’Usine est la ville dans la ville. Peut-être même l’État dans l’État. Usine, château, l’ombre de Kafka plane au pays du soleil levant…

On suivra trois protagonistes selon les chapitres. Trois destins soumis à l’obligation de travailler. Trois âmes perdues et soumises qui acceptent tout et n’importe quoi dès lors qu’il y a un salaire au bout. Attention, ce n’est plus alors de la science-fiction ! Ne verrait-on pas quelques parallèles avec nos métiers aliénants ? Nos trois-quarts temps misérables décortiqués en blocs épars afin de nous pourrir la journée ? Avec une paie de misère ?
Robots humains, esclaves modernes.
La terminaison n’a que peu d’importance. Nous sommes des bêtes de somme. Nous sommes des pions interchangeables. Ne compte que le profit. Les dividendes. Les ratios… La modernité que l’on nous vantait enfant aura donc accouché de… ça ?! La misère moderne est aussi, toujours, de la misère. Sociale, matérielle, spirituelle…
Pion un jour pion toujours et nous tournons les pages en prenant conscience que nous lisons nos vies sans intérêt, notre travail sans plaisir, notre quotidien fait de réflexes et de gestes automatiques sans plus aucune humanité…
 

Ne serait-il pas temps de nous réveiller ?  

 

Annabelle Hautecontre

 

Hiroko Oyamada, L’usine, traduit du japonais par Silvain Chupin, Christian Bourgois éditeur, janvier 2021, 190 p.-, 18,50 €

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