Perrine Le Querrec : vendanges et vidanges de l’amour

                   

 


Perrine Le Querrec, Silence je me noie, Editions Derrière la Salle de Bains, Rouen, 8 E.

 

Il fait imaginer le livre de Perrine Le Querrec comme un cercle ou un puits. Un puits de silence que l’écriture recouvr au moment même où l’auteure coupe les ligns-mots pour faire entendre en elle l’inconnue, quelqu’un qui perle en elle à son insu dans un étrange mixage avec le vous. Entre l’écriture, l’auteure et ce vous s’instaure une étrange trinité en un crime d’amour à l’heure sans fin et infime du délice. La langue comme la main passe et repasse en d’étranges signes de croix. Murmure pieux, coït buccal. Poésie virginale et de mater dolorosa. Le je de Perrine n’existe pas sans le Vous qui l’attache à une sorte de devoir presque masochiste poiur la consolation de l’amant et le peut qu’il est.

 

 Au sein de « la dégradation renversée » s’accomplit un étrange rite : l’homme fait sans doute le mort en espérant la plus petite et délicieuse. Se soumettant à sa volonté l’héroïne sait (ou estime) qu’un certain Dieu n'existera que par, à travers lui. Au nom de quoi tout est possible. Le charmant (pour l’homme) et le terrible (pour elle). Dans la fêlure. L'une dit "je l'aime mais je ne peux pas le baiser". L'autre répond "je la baise mais je ne peux pas l'aimer".

 

La littérature érotique ne manifeste plus un certain « fun » mais une déchirure.  Les mots, leur sens et leur chant se fêlent et craquent dans un feulement de louve : dans l’affolement des strates de silence il devient impact. Loin de tout dandysme ou romantisme il y a là autant de « rampances » morbides que de fureur. Cette dernière vole le sourire à la femme. Ses lèvres se nourrissent néanmoins de la douleur d’un ravissement particulier. Il empêche l’homme qui fait le mort de reposer en paix. En ce sens l’héroïne devient un « transformeuse » insolente là où son auteure - telle une émule féminine de Burroughs - propose une écriture sans le moindre parapet de sécurité.


Jean-Paul Gavard-Perret


(la photographie est d'Isabelle Vaillant)

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