Nicolas Comment : génération perdue et retrouvée

De manière aporique Nicolas Comment dresse un chant aux écrivains et artistes de la beat generation - Burroughs en tête - qui vinrent chercher à la pointe nord de l’Afrique des « circonvolutions » dont les auteurs épousaient  «  les formes / mais de femmes, non : vous restiez entre hommes : Fiancés au chaos, du désordre les amants : Vous portiez haut le verbe sur tous les continents ». Mais l’auteur et photographe ne reste pas dans le chromo romantique et nostalgique : « D’une certaine manière vous cherchiez tous un père /  (Et je sais ce que c’est qu’être fils à jamais) / D’une certaine façon formiez génération : /Garçons sauvages et anges de la désolation ». Ginsberg et les autres  y rêvaient-ils du lecteur mâle qui saurait apercevoir dans les plis de leur écriture la face impalpable qu’ils ne voyaient pas mais qu’ils apercevaient parfois chez leur semblables si bien que lorsqu’un débarquait  « un autre foutait le camp / Élisant domicile au dessous des volcans » ?


Tous, le regard aux abois, avait un amour dans la tête le temps d’un thé au Sahara et dans les vapeurs des chichons et des bongs. Ils ne cherchaient pas à retenir le temps car l’éternité est froide. Les cérémonies avaient pour durée le moment du plaisir puis du parcours de l’écriture en divers stations. Le corps sexuel retrouvait une visibilité naturelle au-delà du corps culturel qui contribuait néanmoins à dépouiller le premier.

Nicolas Comment retrace pudiquement l’appétit de l’éphémère et énergie du désir. Celle-ci tire les hommes des ombres qu’ils connaissent trop bien sans pourtant les faire fuir. Les voyageurs de Tanger allèrent ainsi sur les deux versants - ombre et soleil - avec sous leur doigts une longue boutonnière. Dans le soir le jour s’allongeait, nerfs pincés par un « ange » de passage, dos ambré, les cheveux défaits. C’était le temps de leur présent, un royaume pour un baiser.


Jean-Paul Gavard-Perret


Nicolas Comment, « T(ANGE)R », Editions Derrière la salle bains, Rouen, 10 E..

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