Élégie à l'absente : Hélène Bessette

Adieu Béatrice
Je suis institutrice
De ton regard précieux
lis cet ouvrage où je te dis 
adieu
À l’instant fatal
le silence mental
emplira la chambre de son vide
glacial

Tel est l'appel que Hélène Bessette adressa à l'aimée de jeunesse. Décédée en 2000, elle publia treize romans chez Gallimard entre 1953 et 1973. Chacun proposa des expérimentations narratives insolentes reconnues par Marguerite Duras, Claude Mauriac, Nathalie Sarraute. Mais l'auteure  tomba ensuite dans l’oubli. Élégie pour une jeune fille en noir  – sur lequel elle travailla les dernières années de sa vie – était restée jusqu’ici inédite. Elle demeure le seul texte dans son œuvre qui s’écarte  de la forme romanesque.

Hélène Bessette se retourne sur son passé, se regarde et se raconte avec l’intransigeance qui aura toujours été la sienne. Exit la fiction et la mise en scène de soi pour le chant retenu :

Je t’écris [...]
Te souviens-tu ?
De nous, de moi ?
Au séjour des morts depuis si longtemps — sans doute as-tu oublié ?
L’âme errante au fond du ciel mouvant — est-elle affligée de mémoire ?

S'y inscrit sa passion homosexuelle impossible, contrariée et interrompue par la suicide de la jeune fille de dix-huit ans. Elle se jeta dans la longue robe dans l’eau d’une rivière. Ce chant d'amour et de mort est celui d’une femme arrivée au terme de son existence. Et ce, au bout d’une vie effrénée, sous-tendue par un besoin irrépressible de liberté mais où l'auteure divorcée, élevant seule ses enfants, se vit rabaissée en tant que femme dans un monde littéraire d’une misogynie crasse. C'est la une déclaration d'amour des plus fondatrices. Et le passage en force pour que la vie ait encore à offrir bien plus qu’un fantôme.

Jean-Paul Gavard-Perret

Hélène Bessette, Élégie pour une jeune fille en noir, établi et présenté par Yoann Thommerel, Éditions Nous, août 2021, 160 p., 21 €

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