André Gunthert et le petit oiseau

Derrière la question simple Pourquoi sourit-on en photographie? se cache une énigme passionnante et une évolution restée longtemps invisible, à la croisée de l’anthropologie et de l’histoire des images. Il ne s’agit donc en rien que d’un problème de temps de pose. 
André Gunthert - historien des cultures visuelles et  spécialiste des médias d’enregistrement, de l’édition illustrée et des cultures populaires contemporaines - en précise les contours.
Il  rappelle que pendant la seconde moitié du XIXe siècle, la photographie n’a fait que prolonger les conventions du portrait peint. À cette époque le visage sérieuse indiquait de facto  la maîtrise des émotions en public. Mais l’arrivée du cinéma muet a imposé un nouveau dogme. Intensifiée par l’effet de loupe du gros plan, l’expressivité du visage devient une clé de la narration visuelle. Et elle se diversifie.
À partir des années 1930 et surtout après la Seconde Guerre mondiale l’alliance de l’authenticité et de la lisibilité devient le fer de lance de l’essor de l’illustration de presse. Dans cette perspective le visage souriant apparaît comme le garant d’une sociabilité qui se veut moderne et égalitaire.
Le sourire devient le marqueur d’une mutation de la présentation de soi. Mais, rappelle l'auteur, le sourire forcé de la pose photographique n’est plus l’expression d’une émotion, mais un signe de communication normalisée.
Il symbolise à lui seul  la nouvelle vague et influence des images dans un monde de plus en plus médiatisé. Il existe sans doute bien d'autres axes d'analyse d'un tel phénomène. Mais celui-ci est un premier pas et il a le mérite d'exister.

Jean-Paul Gavard-Perret

André Gunthert, Pourquoi sourit-on en photographie?, Éditions 205, octobre 2023,  84 p.-, 12€

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