Jean-Benoît Puech : le bal des mots dits

Jean-Benoît Puech sait que toute autobiographie est trouée de zones d'ombres. Coudre la nuit et la lumière reste une visée impossible sans recours – non à la confession – mais à la fiction. Toutefois l'auteur pousse la précaution encore plus loin. Il donne à sa créature (Benjamin Jordane) le statut de créateur dans cette nouvelle comme dans une grande partie de son œuvre.

La manière d’entrer en matière littéraire passe par cette subversion et cette dissidence. Existe là lit & rature. Puisqu'il arrive même que l'auteur inventé couche avec la compagne de celui qui a fabriqué son  propre Pinocchio littéraire.

Celui-ci poursuit ici ses fantaisies d'écriture dans l'exotisme d'une nouvelle où deux officiers s'entretuent. La  cause : un doute quant à la valeur  d'un missionnaire maudit ou de légende. Le tout  dans un bal des mots dits où se réunissent le sabre et le goupillon.
De tels niveaux d'extra territorialité permet un passage majeur : ce qui se compose se décompose pour être recomposé. Rien de figé :  se coagule de la  liberté en parfait contraire à ce que pensait Barthes : Fixer la liberté à la façon d'un abcès.
Pour Puech à l'inverse il convient de les percer. Entre autres ceux de l'égo littéraire et des poches des mots qui dans leur comment dire cachent souvent un comment ne pas dire.

L'auteur passe ainsi sous les fourches caudines de son fantôme auquel il donne une autre manière de parler, de montrer, de faire crisser la langue. Même si bien sûr il nourrit son double de qui il est. Puech continue dans ce livre l'ironie majeure par transformation dans sa suite de works in progress dont cette nouvelle est l'exemple.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Jean-Benoît Puech, La mission Coupelle, Fata Morgana, février, 2020, 56 p.-, 11 €

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