Soudain, le fascisme: les débuts d'une expérience totalitaire


L'expert du fascisme

 

Éminent historien Italien, Emilio Gentile est surtout connu en France pour une série de publications consacrées au fascisme : qu’est-ce que le fascisme ? (Folio 2004), La religion fasciste (Perrin, 2002), La voie italienne au totalitarisme (Aubier, 2011), Pour ou contre César ? Les religions chrétiennes face au totalitarisme (Aubier, 2013). Un des principaux apports de Gentile est d’avoir démontré que le fascisme italien est bien un totalitarisme (ce sont s’ailleurs Mussolini et Giovanni Gentile qui créent  l’adjectif « totalitaire ») qui n’a rien à envier aux expériences soviétiques et nazies. Avec Soudain, le fascisme (avec comme sous-titre éloquent « L’autre révolution d’octobre »), il revient sur les débuts du fascisme, la marche sur Rome de 1922.

 

Un contexte italien favorable

 

Gentile commence par resituer au lecteur l’Italie au sortir de la Grande Guerre, un pays qui a beaucoup souffert, tant d’un point de vue économique qu’humain, du conflit et auquel les alliés ont beaucoup fait miroiter pour un résultat décevant : au traité de Versailles, l’Italie est traitée comme un partenaire de seconde zone  et ne reçoit pas l’ensemble des territoires promis. Au niveau social, les tensions de l’avant-guerre sont exacerbées et c’est la gauche (dont a fait partie Mussolini, ancien socialiste) qui semble tirer son épingle du jeu. Les grèves et les manifestations se multiplient et les élections favorisent les socialistes. Le gouvernement redoute une insurrection, un mouvement des dirigeants socialistes. Mais rien ne vient. Les fascistes de Mussolini, qui ont affronté physiquement les militants de gauche, ne le savent pas encore mais c’est maintenant leur tour.

 

Un État libéral en pleine déconfiture

 

On ne le répétera jamais assez mais l’État italien avait les moyens de résister à la poussée fasciste, jusqu’à la marche sur Rome. Gentile peint une élite politique qui ne prend pas la mesure du danger, du président du conseil Facta à Giolitti, cacique de l’avant-guerre. Ils tergiversent face à Mussolini, négocient pour lui offrir des ministères. Face à leurs atermoiements, on se doit de relever les divisions du camp fasciste. Car les lieutenants de Mussolini comme Bianchi ou son futur gendre Ciano, n’hésitent pas à entrer en conflit avec lui sur la tactique à adopter pour prendre le pouvoir. Pour autant, la légitimité du chef n’est  jamais remise en cause. Un chef qui ruse face aux libéraux qui le sous-estiment. Ceux-ci sont loin de se douter, lors de sa prise de pouvoir, des transformations qu’il va engager car le fascisme ne vise alors rien moins que de transformer l’État (c’était le but : devenir l’État). Cet ouvrage renouvelle notre vision de la prise du pouvoir par Mussolini, qui fut aussi une Révolution.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Emilio Gentile, Soudain le fascisme : la marche sur Rome, l’autre révolution d’octobre, Gallimard NRF essais, traduit de l’Italien par Vincent Raynaud, novembre 2015, 416 pages, 29 €

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