René Fregni : d’entre les murs

L’œuvre de Fregni est singulière : elle fait exception dans la conception du partage basique  entre le bien et le mal. Ce qui ne veut pas dire pour autant que cette nouvelle donne aille de soi. L’auteur l’a appris à ses dépends. Et son héros idem. Il est vrai qu’entre le premier et le second la différence est minime voire inexistante en une descente aux enfers.

Sans tricher le moins du monde, Frégni cherche à exhumer le caché, à faire rejaillir la trace enfouie d’un épisode où la peur n’eut cesse de remonter. Rivé à un acte - que les bien penseurs jugeront inconséquent ou criminel - le héros rappelle ce qu’il a appris au contact de ceux qu’on nomme voyous sans chercher à en connaître plus.

Certes, des hauts-fonds des prisons jaillit le mal. Il  reste  peut-être le plus beau des sujets pour un écrivain. Mais l’auteur le reprend  à sa main pour rendre visible à la fois l’inconnu ou plus modestement se confronter à  « son suspens » qu’il ne cherche ni à enluminer, ni à encalminer.

Aux questions de théories morales Frégni préfère une logique circulaire. Elle implique à l’homme de se sauver ou au moins de tenter de remonter sa pente existentielle. Le texte permet de comprendre des motivations profondes que les romans « bourgeois » passent sous silence. Le « je » du héros jaillit telle une vague de fond. Elle rameute des images « éclaboussantes ». Le lecteur les comprend, les touche, il se rapproche toujours au plus près d’elles pour voir ce qui  passe et ce qui ne passera jamais.  Il rampe jusqu'à elle. Se redresse. Se bat comme l’auteur. Il est plus nu que nu en ce brasier d’images que l’amour transcende.

Jean-Paul Gavard-Perret

René Frégni, « Les vivants au pays des morts », Gallimard, Paris, 190 p., 18 E., 2017

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