Charlotte Perriand l'anticipatrice

L’architecte et designer Charlotte Perriand (1903-1999) a remodelé la place de l'art dans la vie quotidienne. Elle fut une pionnière du design. Pour elle l'objet n'est pas traité pour lui-même dans une vision parnassienne mais pour l'homme.
A l'inverse d'Andrée Puttemans qui travaille pour un public privilégié, Charlotte Perriand s'intéressait à un public moins fortuné. Elle voulut entre autre faire venir le public populaire dans les stations de ski (Méribel, Les Arcs).

Très jeune, la savoyarde étudie l'architecture avec détermination avant d'ouvrir un atelier à Paris où elle fit du dessin avant de se tourner vers l'architecture avec comme slogan Le Métier d’Architecture c’est travailler pour l’homme.  Son intérêt et sa curiosité par le mobilier d'intérieur l'ont amenée à collaborer d'abord avec Le Corbusier et Pierre Jeanneret. Elle travaille alors sur des réalisations majeures telles que la Villa Church, la villa Savoye, La cité du refuge de l’Armée du Salut et le Pavillon suisse à la cité universitaire.

Celle qui voulut changer le rôle de l'artiste dans et pour la société - après son séjour au Japon d'où elle revient avec le goût pour les lignes épurées - créa aux Arcs des structures originales avec cuisine ouverte sur les autres pièces. Dans ce but elle a toujours travaillé d'arrache-pied pour offrir des appartements accessibles clés en main avec le mobilier qu'elle inventa pour de tels espaces.
L’importante rétrospective de la Fondation Louis Vuitton met en exergue ses liens avec les artistes (Miro, Calder) et offre une vision renouvelée d'une oeuvre caractéristique par son engagement et sa liberté. Elle fait ressentir l'aura, le charisme et la bienveillance d'une artiste d'exception et visionnaire. De plus cette installation muséale  retrace l'importance pour l'artiste de la nature - et plus particulièrement la montagne - et propose des reconstitutions qui intègrent des œuvres d’arts sélectionnées par Charlotte Perriand au cours de sa vie afin d’incarner sa synthèse des arts.

Les textes du livre qui accompagne l'exposition évoquent cette expérience selon différents axes tous pertinents. Ils ouvrent des perspectives (celui de Véronique Bergen particulièrement) et cernent la complexité de l’oeuvre d'une artiste qui se moquait de la notoriété. Chez elle la féminité est en acte mais jamais de manière restrictive ou insolente. Elle révèle une réalité et une originalité de l'art que nul ne peut contester.

Jean-Paul Gavard-Perret

Jacques Barsac et Sébastien Cherruet (sous la direction), Le Monde nouveau de Charlotte Perriand, Gallimard / Fondation Louis Vuitton, coll. Livre d'art, octobre 2019, 49 €
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